Friday, February 24, 2006

partie

EXT. JARDIN. JOUR

C'est la fin de l'après-midi, le ciel est un peu nuageux. Les membres d'une même famille mangent et discutent gaiment autour d'une table. Sont présents à table pour un repas, Sophie (agée), un couple d´une tentaine d’années (la fille de Sophie et son époux) et enfin leur fille (une enfant). La caméra représente un « ESPRIT » et bouge comme tel. Elle détaille légèrement les personnages puis s'éloigne comme s’ils ne l'interessaient pas.

La caméra se focalise sur la porte de la maison donnant sur le jardin et attend quelques secondes. HENRI sort de la maison pour rejoindre sa famille. Elle le voit de loin et semble très surprise comme si elle venait enfin de retrouver celui qu'il avait toujours cherché. Elle s'avance, accélère et lorsqu'elle arrive aux pieds d'HENRI, elle remonte en un mouvement hélicoïdal jusqu'à sa tête.

Pendant ce mouvement apparaissent les flashs suivants une grande roue de fête foraine qui tourne ; deux mains masculines qui attrapent un crayon-papier, le manipule et le brise brutalement ; un jeune enfant qui sort du sac poubelle posé sur un trottoir dans lequel il avait été enfermé. Il prend le sac, le pose au milieu de la rue et s'asseoit dessus.

La caméra s'attarde enfin sur le visage du HENRI et le détaille. Il a les cheveux blancs et les yeux marrons. Son regard, au début tranquille, commence à exprimer de l'inquiétude et de la surprise. La caméra recule jusqu'à ce que l'on voit l'HENRI en entier, qui pâlit, ralentit et vacille. Finalement elle part rapidement dans une autre direction, et ce qu'elle voit devient flou comme si le souvenir qu'elle représente se dissolvait et disparaissait.

Fondu en blanc.

Soudain, on entend le cri puissant et surprenant d'HENRI, terrifié et souffrant. Son visage est déformé par la douleur et par la peur. Il se tient la tête entre les mains comme s'il voulait l'empêcher d'exploser, se contortionne et suffoque à cause de l'insupportable souvenir qui l'a touché. Il tend la main vers les membres de sa famille.


HENRI ( voix perplexe, faible et trébuchante )
Oh non... Je la vois, elle tourne... toujours... Elle est revenue!... (silence puis trés fort avec angoisse) A moi !... Venez m'aider, pitié!


SOPHIE lui jette pourtant un regard tranquille, habitué à ce genre de situation et s'adresse aux autres personnes tout en continuant son repas.


SOPHIE ( rassurante puis ironique )
N'y faites pas attention ! Il se laisse aller.

L’ENFANT ( inquiète )
Dis grand-mère... mais qu'est ce qu'il a grand-père encore ? ... Il va mourir?

SOPHIE ( à sa fille et à son beau-fils, ironique )
Peut-être...ha... oui... Ou alors, il va encore s´en sortir, encore une fois.

LA MERE DE L’ENFANT ( rassurante, à sa fille )

Il est vieux, c'est normal que çà arrive. Il ne faut pas y faire attention.


L’ENFANT sort de table, s'approche d’HENRI et l'observe curieusement.


L’ENFANT ( naïve )
Pourquoi tu as dis « venez m'aider » tout à l'heure? Tu sais que tu vas mourir, alors pourquoi tu veux qu'on vienne t'aider?


HENRI regarde les grands yeux bruns de SA PETITE-FILLE en souriant à travers ses larmes. La couleur des yeux est importante puisque l’héroine du film est la seule en a avoir de semblables.


HENRI ( un peu calmé et souriant lui chuchote )
Tu es là, toi... tu es aussi revenue... Danse, danse pour moi!


L’ENFANT se met à sautiller, à danser autour de son GRAND-PERE en tapant dans ses mains. De la musique accompagne sa danse. L'image se brouille tandis que le rythme que LA PETITE FILLE faisait en tapant dans ses mains devient plus distinct, puis s'amplifie et se fond avec le bruit de la scène qui suit...


EXT. RUE. MATIN

... On entend d'abord des bruits de bottes très rythmés et impressionants. On en voit une centaine de paire qui font des pas militaires en cadence sur place. Elles sont parfaitement alignées et ordonnées. La caméra remonte puis distingue les visages et on voit qu'il ne s'agit en fait que d'enfants. Ils sont tous beaux, idéaux, sérieux et fiers et portent un uniforme militaire. Les PARENTS et les BADAUDS qui les admirent sont fiers eux aussi et agitent les bras en s’émouvant. L'ambiance est onirique.

HENRI ( off )
A l'âge de huit ans, je suis entré dans les jeunesses armées françaises. Je croyais avoir trouvé ma voie et je m'y suis investi à fond.

Une MERE sort une bouteille de parfum de son sac et fait mine d´en asperger de loin son FILS ( HENRI ) dès que celui-ci passe enfin devant elle, comme si elle voulait parfaire l'ambiance avec une odeur. Cela semble un peu ridicule et ridiculise tout ce qui s'est passé dans la rue. La caméra la détaille.


HENRI
Ce sont mes parents qui m'avaient poussés à m'engager. Je servais à réaliser leurs rêves et cette utilité me satisfaisait et me suffisait.

On voit le jeune HENRI et le jeune PAUL qui se regardent et se sourient chaleureusement.

HENRI ( ému )
A cette époque, j'avais déjà fait amitié avec celui qui fut le complice de ma vie, de mon histoire. L'ami avec lequel j'ai tout bâti, avec qui j'ai régné...


INT. SALLE DE CLASSE. JOUR

Les élèves, en uniforme, sont assis et silencieux. La salle est claire, blanche et impeccable. Il y des cocardes tricolores éparpillées partout sur les murs. Les deux amis sont assis l'un à côté de l'autre.


INT. COULOIR. JOUR

On voit le visage d'HENRI qui court et bouscule un peu des élèves sur son passage dans le couloir de l'établissement scolaire militaire. La plupart de ceux qu'il bouscule le poursuive longtemps du regard. Les élèves ont jusqu'à environ seize ans. HENRI ouvre une porte et se retrouve dans la cour.


EXT. COUR. JOUR

On voit Henri entrer dans un gymnase au fond de la cour. Dans la cour, un PROFESSEUR DE SPORT entraîne ses élèves à faire des pompes.


INT. GYMNASE. JOUR

Entre temps Henri a trouvé Paul et ils se sont parlés.

HENRI :
Bon, il faut que j'y aille... Mes parents m'attendent. Bonnes vacances, je t'écrirai!



EXT.CHAMP DE BATAILLE. JOUR


Le ciel est dégagé et la scène se passe très tard dans l'après-midi. Dans un champ, près d'un village, des cadavres d'enfants, de vieillards, de femmes et d'hommes jonchent le sol. Ce sont des civils hongrois dont les haillons portent des rubans rouges et blancs. Un peu à l'écart du village, de jeunes soldats français sont assis autour d'un feu. Ils mangent en silence. Certains se changent parce que leurs vêtements sont maculés de sang.


HENRI
Dix ans plus tard, la France dominait pratiquement. Il y avait encore quelques rébellions. Nous avons été envoyé en Hongrie, où des paysans refusaient de parler français et d'abandonner leurs traditions. C'était notre premier combat et nous voulions y faire nos preuves. Nous avons donc été intransigeants. Nos ennemis devaient se soumettre ou mourrir. Nous les avons finalement pratiquement tous exterminés. Parmi les militaires se trouvent PAUL et HENRI qui ont entre 1' et 20 ans. PAUL se lève.

PAUL
Je vais aller inspecter, qui vient avec moi ?

HENRI se lève et le rejoint.

HENRI
Moi !

HENRI ( aux autres de derrière )
Allez, vous les glandeurs, restez quand même sur vos gardes! On revient...


EXT. RUE. NUIT


PAUL et HENRI sont dans une rue du village hongrois et se déplacent lentement tout en restant aux aguets. HENRI commence à ricaner nerveusement.

PAUL
Qu´est-ce qui te prends ?

HENRI
J'imaginais un de ces mecs surgir au coin d´une rue... le visage maigre... un épouventail... le ventre pourfendu... mais... armé jusqu'aux dents... et bavant de vengeance.

HENRI part dans un éclat de rire.

HENRI
Imagine son oeil humide... qui a l´air de tout savoir ou de tout demander... de demander pourquoi.

PAUL qui voit venir un danger, se tait soudain et fait signe à HENRI de se taire.

HENRI
Chut! Arrête!

PAUL prend un air inquiet et dégaine son arme. HENRI l'imite.

PAUL
Fais gaffe!

HENRI est étonné et fait mine de ne rien avoir remarqué. PAUL fait un signe du doigt pour montrer qu´il veut se rendre au coin de la rue et fait signe à HENRI qui doit le suivre.
...

PAUL
Allez!

Ils arrivent au bout de la rue et restent collés au mur quelques instants. PAUL montre la maison dans laquelle il compte entrer seul.

PAUL
J´entre d´abord ! Toi, dans quelques minutes...

PAUL part. HENRI reste seul et sue à grosses gouttes.

EXT. MAISON. NUIT

HENRI longe la maison, passe sous les fenêtres et atteint la porte d'entrée. Il entre et quelques seconde plus tard retentit un coup de feu de l´intérieur.


INT. MAISON. LUMIERE ELECTRIQUE

A l'intérieur de la pièce PAUL est allongé sur un fauteuil. Il a les bras croisés derrière la tête et sourit à HENRI qui vient d´entrer l´arme au poing. le fauteuil se trouve face à la porte d'entrée et face à HENRI. Un corps inanimé est allongé face contre terre derrière le fauteuil et on ne voit pour l'instant que les jambes qui dépassent du côté gauche du fauteuil. HENRI prend l'air déconcerté en voyant l'attitude et la position de PAUL.

PAUL ( regardant HENRI et le désignant du doigt )
Tiens un épouventail mort de trouille !

HENRI (soulagé)
Putain !

PAUL (désignant le cadavre)
Eh ben, c´était lui !.

PAUL se lève et se dirige vers les placards dans lesquels il se met à fouiller par curiosité.

PAUL :
Je suis toujours aussi curieux...

HENRI va s'allonger sur le fauteuil et pose son arme à côté de lui.

HENRI ( fatigué et nerveux )
Et dire que je pourrai être tranquillement dans mon lit en ce moment (soupir). Tout cà, à cause d´un tas de connards et de petits prétentieux insoumis!

PAUL se tourne vers lui et le regarde quelques secondes.

PAUL ( pressé )
C'est çà, bonne nuit cher ange! Bon moi je sors, hein ? Tu viens ?

HENRI :
Je te rejoins !

PAUL :
J´y vais, je vais oú en sont les autres... A plus tard.

PAUL sort de la maison, éteint la lumière et ferme la porte derrière lui. HENRI s´allonge sur le fauteuil.

INT. PIECE VOISINE. NUIT

Trois PAYSANS hongrois se cachaient sous une trappe du plancher de la pièce voisine. Ils y sont accroupis dans l´obscurité et ont l'air terriblement angoissés. Ils parlent à voix basse en Hongrois..

1ER Hongrois
Ils sont partis?

2EME Hongrois
Non, non, il y en a toujours un !

1ER Hongrois
Ah bon !

3EME Hongrois
Chut !

1ER Hongrois (s´exaltant)
Faut y aller maintenant, l'autre peut revenir... Il faut se venger. J'y vais...

LE 1ER HONGROIS se déplace très lentement vers la porte qui donne sur l'autre pièce tandis que les autres tendent les bras en vain pour tenter de le retenir. Soudain, il tape avec son pied un objet sans le faire exprès et fait du bruit. Il se tourne alors vers les autres d'un air désolé et terrifié.

3EME Hongrois (au PREMIER HONGROIS)
Connard !

3EME Hongrois (déterminé, aux autres)
Allez, on y va !

Les trois compères sortent de leur cachette avec précipitation, décidés à tenter de tuer leur adversaire avant que le contraire ne se produise.

INT. MAISON. NUIT

Dans la pièce voisine, HENRI, à demi-somnolent et surpris cherche à tâtons son arme. Soudain, la porte s'ouvre avec fracas et les Hongrois se ruent sur lui avant qu´il n´ait le temps de dégainer. Ils luttent et un coup de feu part dans le vide. Un Hongrois attrape l'arme et vise HENRI.

1ER Hongrois (fort, aux autres)
Ecartez-vous, laissez moi abattre ce chien de fasciste!

LE Hongrois appuie plusieurs fois sur la détente mais le chargeur est vide. Il frappe HENRI avec la crosse à la tête. Soudain, la porte d´entrée s´ouvre, Paul entre et tire sur les HONGROIS. Ensuite, il traîne HENRI hors de la maison le plus vite possible.

EXT. VILLAGE. NUIT

PAUL sort de la maison tandis qu´un tireur embusqué blesse HENRI à la cuisse. PAUL s'énerve, le lâche un moment et abbat l´homme. PAUL met enfin HENRI à l´abri puis sort son portable.

PAUL
C'est Morel! J´ai un blessé grave! On nous a tiré dessus. Il y a des rebelles qui se cachent encore!

Des MILITAIRES véhiculés arrivent sur les lieux pour leur prêter main forte.

HENRI ( voix off )
PAUL m'avait sauvé la vie, mais ma blessure à la jambe m´empêchait désormais de travailler sur le terrain. Paul est resté et moi, je suis rentré en France pour occuper un emploi administratif.

INT. CHAMBRE A COUCHER. MATIN

Dans un appartement en France, HENRI (trente ans) et SOPHIE (25 ans) sont dans un lit. Soudain le réveille sonne. Elle reste endormie tandis qu'HENRI se réveille doucement. Il l'embrasse et elle commence à se réveiller.

HENRI
C'est l'heure, il faut y aller!

SOPHIE
Déjà!

HENRI l'embrasse.

HENRI ( plaisantant )
Vite!

SOPHIE ( grommelant )
Tu prépares le petit-déjeûner ...?

HENRI
Ok...

HENRI va dans la cuisine et commence à préparer le petit-déjeûner. Il y a du café, des croissants et des verres de jus d'orange. Il revient tout doucement sans faire de bruit et s'aperçoit que SOPHIE s'est rendormie. Il sourit et pose le plateau sur la table de nuit de SOPHIE.
Il prend un des verres remplit de jus d'orange froid et le pose sur son visage pour la réveiller. Elle gémit puis ouvre les yeux.

HENRI ( riant et chuchotant )
Réveille-toi!

SOPHIE
Laisse moi, je suis fatiguée!

HENRI (amusé)
D´accord, soit tu te léves soit...

SOPHIE, riant, maintient les draps autour d'elle en les bloquant avec ses bras qu'elle allonge le long de son corps.

HENRI ( rapidement )
Un, deux, trois, quatre et cinq!

HENRI tire sur les draps et les couvertures et les jette au pied du lit. SOPHIE, en chemise de nuit, se met à quatre pattes sur le lit et s'avance vers le pied pour aller les rechercher. Pendant ce temps HENRI en profite pour l'attraper dans ses bras et la pose sur ses genoux tandis qu'il s'asseoit sur le bord du lit vers le plateau du petit-déjeûner. SOPHIE éclate de rire et embrasse HENRI.

SOPHIE (souriante)
Quel chantage !

HENRI
Tu es une vraie gamine!

HENRI place le plateau sur les cuisses de SOPHIE.

HENRI
Allez vite maintenant!

Ils commencent à manger.

INT. ESCALIER. MATIN

On les voit ensuite habillés en militaire descendre l'escalier de leur immeuble. Ils se tiennent par la main et courent. Arrivés en bas, ils s'étreignent et s'embrassent.

HENRI
A ce soir mon amour!

SOPHIE

J'ai des courses à faire, je rentrerai vers 19 heures.

Ils commencent à se séparer.

HENRI
Ok, salut!

SOPHIE
Salut! Je t'aime!

HENRI donne une tape sur les fesse de SOPHIE et lui fait un clin d'oeil en souriant tandis qu'il s'en va.

INT. BUREAU. MATIN


On est dans un bureau administratif militaire, et HENRI est assis derrière un bureau. Les papiers qu'il lit portent une cocarde tricolore en haut à droite. Puis il se tourne vers son ordinateur dont l'écran, allumé, est remplit d'informations. Soudain, on frappe à la porte. HENRI se tourne vers la porte.


HENRI ( banalement )
Entrez!


Un MILITAIRE entre, ferme la porte et fait le salut. Il reste dans cette position, la main figée vers la tête.


HENRI
Oui?


Le SOLDAT baisse son bras.


SOLDAT
Bonjour mon commandant, le courrier...

HENRI
Apportez-le moi, s'il-vous-plaît.


Le SOLDAT s'avance, pose les lettres sur le bureau et se remet au garde à vous.


HENRI
C'est bon, je vous remercie première classe, vous pouvez partir.


Le SOLDAT sort. Il refait le salut.


SOLDAT
Au revoir mon commandant.

HENRI regarde rapidement les dix enveloppes. Il recommence, et s'arrête sur une des lettres.

HENRI
A tout à l'heure.


NARRATEUR ( off , lentement, réfléchissant avec suspens et beaucoup d´intonation)
Quinze ans plus tard, je reçus une lettre de PAUL... étrange, évasive... et finalement, elle bouleversa ma vie! PAUL m'invitait alors à le rejoindre à Budapest et me promettait un emploi qui me permettrait de m'épanouir complètement. Il désirait que l'on concrétise ensemble, comment dire..., nos suprêmes aspirations, ..., nos désirs les plus fous.

INT. SALON. SOIR

HENRI fait les cents pas chez lui et semble préoccupé. Il s'asseoit sur un fauteuil, se prend la tête entre les mains (important : position récurrente) et semble réfléchir. Soudain, on entend la porte d'entrée s'ouvrir et SOPHIE entre. Elle s'approche en souriant.

SOPHIE (pleine d´entrain)
Bonsoir... Cà va?

HENRI ne répond pas et SOPHIE s'inquiète.

SOPHIE
Qu'est-ce qu´il y a ?

HENRI (sortant de sa stupeur)
Hum, je réfléchissait...

SOPHIE s'asseoit à côté de lui et se penche vers lui.

SOPHIE ( convaincante et souriante )
Racontes-moi...

HENRI ( hésite d´abord et lance d´un trait )
J'ai reçu une lettre d'un ami, il me demande d'aller le rejoindre en Hongrie.

SOPHIE ( surprise )
Hein ? ... En Hongrie?... Pourquoi?... Tu vas y aller?

HENRI
Oui!... et est-ce que tu veux m'y accompagner?

SOPHIE ( s'affolant )
Attends mais... Si vite ? Pourquoi ?... Il faut en discuter, je dois réfléchir... Pourquoi tu veux y aller?

HENRI (songeur)
Je connais ce pays, j´y ait déjá vécu ! Et cet ami, c´est le meilleur que je connaisse, je lui dois la vie ! Il s´appelle Paul. Il vient d´être promu préfet á Mona et il me propose de l´aider à réaliser un projet... je lui fais confiance.

SOPHIE ( reprochant )
Paul ? Tu ne m´en a jamais parlé ! C´est qui ?

HENRI
Cà fait longtemps que je n'ai pas eu de nouvelles... et pourtant je lui dois la vie. De toute façon, je ne veux pas rester ici et cet emploi c´est une opportunité.

SOPHIE ( sèche et directe )
Et si je refuse? Tu fais quoi?

HENRI ( peu enthousiaste )
Je risque de te décevoir... Ecoute, viens !...

SOPHIE ( s'énervant )
Comment çà vient ? Et toi tu refuses de rester ! Nous ne sommes même pas mariés... même tes parents ne savent rien de notre relation. Tu pars quand?

HENRI
Le plus tôt possible... Dans une semaine environ...

SOPHIE reste silencieuse, les larmes lui montent aux yeux et elle n'ose plus regarder HENRI dans les yeux.

SOPHIE ( pleurant )
Hein ? ne me dis pas que tu ne le fais pas exprès ! Tu veux me quitter, c´est çà ? Ben vas-y profites-en de ton occasion !

HENRI
Je t´aime, tu sais ? Ecoute, rejoins moi quand tu voudras...

Silence. SOPHIE pleure davantage.

HENRI (doux)
Rejoins moi et je t´épouserai!

SOPHIE se lève, semble perdue et déçue. Elle se dirige vers la porte.

SOPHIE (sèche)
Adieu !

SOPHIE sort en claquant la porte.

Première partie

INT. BUREAU. APRES-MIDI

HENRI est au travail en train de consulter son téléphone portable posé sur son bureau pis il retourne ranger ses affaires dans des cartons pour son déménagement. enfin, il prend son téléphone, appelle SOPHIE et continue à ranger en même temps.

HENRI
Allô Sophie, c'est Henri!

HENRI
Sophie?

HENRI
Ah bon...

HENRI
Je t 'aime Sophie...

HENRI ( plus fort )
Sophie?

HENRI regarde son téléphone portable d'un air étonné et énervé parce que SOPHIE vient de lui raccrocher au nez.


EXT. GARE. NUIT

Des gens attendent sur le quai éclairé dans la gare de Budapest. Un train d'allure moderne entre en gare. PAUL, élégament vêtu en civil, entre dans la gare, pressé et en retard. HENRI descend du train. Des militaires blonds patrouillent et repèrent les bruns. Ils contrôlent leur identité. HENRI se fait bien-sûr interpeller par une jeune femme qui lui regarde les cheveux d´un air étonné. PAUL cherche HENRI des yeux.

MILITAIRE
Veuillez me suivre monsieur! Je vais vérifier votre identité...


PAUL s'est retourné et parcourt les quelques mètres qui l'éloignent d'HENRI et bouscule énormément la MILITAIRE.


PAUL ( autoritaire, énervé )
Henri ! Mais qu'est-ce qui se passe? Cet homme est avec moi !

HENRI
Paul !

MILITAIRE
Veuillez m´excuser, Monsieur le Préfet... ce sont vos ordres....

PAUL (gêné)
Ha ha ha, oui bon, c´est bon, hein !

La MILITAIRE s´éloigne. PAUL et HENRI se font l´accolade.

PAUL
Henri ! Comment çà va, mon vieux ?

HENRI
Cà va... Et toi?

PAUL
Cà va!... t'as vraiment pas changé! Et ton voyage? Ca a été ?

HENRI (ironique)
(soupir) Ennuyeux et interminable. Bon, mais je vais bien, je suis pas trop fatigué.

PAUL
Allez viens... on part! Mon chauffeur attend. Tu dormiras chez moi jusqu´à temps que tu puisses t´installer, d'accord?

HENRI ( étonné par PAUL )
Pour la militaire tout à l´heure, c´était pas la peine de la bousculer comme çà, elle faisait son boulot!

PAUL
Mais je ne l'ai pas bousculée... mais attends, j'ai rien fait. Je l'ai même pas touchée!
(paroles approximatives de Jean-Marie Le Pen quand il avait bousculé une maire socialiste).


HENRI (interloqué )
Attends... mais je t´ai vu !!

PAUL (fuyant)
Oui, bon... Laisse tomber !


INT. VOITURE. NUIT

Un chauffeur assez vieux conduit les deux amis dans une voiture très élégante. Ces derniers sont confortablement assis à l'arrière. Ils sont en train de discuter.

PAUL
Ah moi... par contre je ne me plainds pas! J'ai une femme enceinte d´une fille et déjà deux fils !

HENRI
Eh bien... Toutes mes félicitations !

Il y a un silence.

HENRI
Au fait, il faudrait que tu me dises ce que je suis sensé faire ici...

PAUL ( sérieux )
... Il « faudrait » comme tu dis... On verra plus tard, d'accord? Ce que j´espère, c´est qu'on s'entendra bien... J'ai besoin de toi, de ta sensibilité et... euh de ta subtilité pour ce projet !

HENRI ( souriant intensément )
De toute façon, je te dois bien çà!

EXT. GHETTO. MATIN

On voit un petit village composé de quelques petites maisons correctes. Il y a des caméras de surveillance placées en haut des murs de certaines maisons qui surveillent les faits et gestes des habitants qui sont des Hongrois maintenus vivants. Au loin, on aperçoit la roue d'un parc d'attraction français. Quelques personnes agées sont assises sur des bancs de la place du village et discutent entre elles en français avec un fort accent hongrois. Elles regardent parfois les caméras.

1ERE VIEILLE ( montrant la roue )
Hier soir, la roue là-bas.... mon mari m´a dit qu´elle a tourné...

UN VIEUX
Oui, c´est vrai. J´ai entendu çà aussi !

2EME VIEILLE
C´est peut-être bon signe finalement ! S´ils veulent s´amuser, on sera tranquille.

LE VIEUX
Peut-être, oui, mais bon, va savoir ce qu´ils ont encore derrière la tête.

Des jeunes sont rassemblés vers un autre banc. Certains sont assis sur le banc et d'autres sont par-terre en face. Ils ont tous l'air de s'ennuyer. HELENA dessine des contours de viasages sur le sol avec un bâton.

1ER JEUNE
Qu'est-ce-qu'on s'emmerde, putain !

2EME JEUNE (démotivé)
Ouai! Pffff ! Qu'est-ce-que tu veux y faire ?

HELENA (réfléchie)
Qu'est-ce que vous aimeriez faire ?

1ER JEUNE ( désabusé et ironique )
Mais... Quelque chose justement ! N'importe quoi !

2EME JEUNE ( à HELENE )
Merde, on n'a même plus le droit d'avoir un ballon!

HELENA ( énergique )
Cà c´est parce que vous avez pété exprès trois caméras la dernière fois! Ben ouai !

1ER JEUNE ( énervé )
Parce qu´avant c´était mieux, peut-être ? Les caméras, elles n'ont rien à foutre là! On n´a jamais rien eu. Ah si ! Juste la troulle des flics- c´est le seul truc qui nous vient de l´autre côté ! Les flics pour qu´on reste où on est à ne rien faire.

AUTRE JEUNE
Ouai, t´as raison. Ils nous prennent pour des cons ! Regarde les vieux là-bas, ils acceptent sans rien dire, ils pensent qu´à survivre ! Ils me font honte ! Moi, je peux pas, c´est tout ! J´en peux plus !

HELENA (inquiète)
Je vous rappelle qu'on surveillé!


EXT. RUE. MATIN.

Dans une rue commerçante, PAUL et HENRI, en tenue civile, s'approchent de la vitrine d'une librairie et y entre.


INT. LIBRAIRIE. MATIN

VALERIE, la libraire, est en train de ranger des livres sur une étagère.

VALERIE ( surprise, heureuse )
Bonjour messieurs... Monsieur le Préfet!

PAUL ( affectif et souriant )
Bonjour mademoiselle Dubois... Je vous présente mon ami le commandant HENRI Lafont... qui nous vient de France

VALERIE a l'air particulièrement heureuse en voyant HENRI. Elle rougit même un peu.

VALERIE ( à HENRI )
Enchantée, monsieur!

VALERIE ( à Paul )
Je vous apporte les livres que vous m'aviez commandés... Un petit instant s'il-vous-plaît!


INT. ARRIERE-BOUTIQUE. MATIN

VALERIE part dans l'arrière boutique. Devant un miroir, elle s'admire, se détache les cheveux, se les brosse, se désodorise la bouche, vérifie l'état de son maquillage et le réajuste. Tout se qu'elle fait devant la glace se passe en accéléré. Elle prend quelques livres posés les uns à côté des autres sur une étagère.


INT. LIBRAIRIE. MATIN

HENRI et PAUL se regardent d'un air amusé. Ils chuchotent.

HENRI
J'ai l'impression que tu lui plais...

PAUL ( fier et amusé )
Normal je fais la pluie et le beau temps, ici ! Mais bon, j'ai déjà une femme!

HENRI ( curieux )
Fidèle?

PAUL ( souriant et sérieux )
Encore et toujours! Alors, elle t'interesse? Jolie, non?

HENRI ( sérieux )
Oui, bien-sûr... mais elle finira sans doute par me lasser... comme les précédentes !

PAUL ( très sérieux et regardant son ami dans les yeux )
Hum, Henri... t´en fais ta femme ou tu l´oublies...

VALERIE revient en tenant les livres. Elle arbore un magnifique sourire. PAUL va à sa rencontre et laisse HENRI assez loin derrière lui.

VALERIE
Voilà vos livres, Monsieur le Préfet !

Elle lui tend les livres. PAUL les prend et les regarde. Il y a un ouvrage sur la chasse et des oeuvres fascistes traitant de sujets comme les races par exemple. HENRI ne peut pas voir de quel livres il s'agit et c'est d'ailleurs le but de PAUL.

PAUL ( heureux et inspiré )
Merci, merci beaucoup...

VALERIE ( à HENRI )
Vous vous plaisez, ici ?

HENRI ( regardant VALERIE )
Je suis ici que depuis hier soir... Avant je travaillais dans l'administration militaire en France et Paul m´a demandé de le rejoindre, voilà !

PAUL a l'impression qu'HENRI s'intéresse à VALERIE. Il semble satisfait et sourit à VALERIE en lui faisant un clin d'oeil « entendu ».

PAUL ( visiblement satisfait )
Vous joindriez-vous à nous... demain... pour déjeûner mademoiselle? Nous irions au Paris...

VALERIE
Bien-sûr, avec plaisir Monsieur le Préfet !

PAUL
Je compte sur votre disponibilité pour faire un peu visiter la ville à mon ami, c´est d´accord ? Oui... donc pour le dîner 19 heures, çà vous irait ?

VALERIE
Cà me va !

PAUL sort son portable et appelle le restaurant.

PAUL
Bonjour ! C´est le préfet !

PAUL
Oui, c´est çà !

PAUL
Demain à 19 heures !

PAUL
.... Pour trois personnes, s´il-vous-plaît.

PAUL
Bien... Merci! Au revoir.

PAUL éteint son appareil et le range.

PAUL
Et voilà, c´est fait!


INT. BAR. MATIN.


PAUL et HENRI entrent. Le bar est classique, grand et très propre. Au fond, il y a une arrière salle avec des jeux ( flippers, machines à sous, baby-foot, billards etc...). Il y a des gens de tout âge et des deux sexes, et aucun n'a de défaut ( pas de lunettes ou d'infirmité quelconque ). Un quart des gens sont des blonds aux yeux bleus. Quelques hautes personnalités blondes se lèvent et salue PAUL en lui serrant la main.

Les deux amis s'avancent vers une table. PAUL pose ses livres sur un coin de la table de manière à ce qu'HENRI ne voit pas leur titre. Un SERVEUR brun s'approche. Il a l'air un peu apeuré, cherche à être le plus correct et le plus serviable possible. Il regarde HENRI et surtout ses cheveux d'un air incrédule pendant un cours instant puis pose sur la table une dizaine de jetons gratuits pour les jeux de l'arrière salle.

SERVEUR ( se tournant vers PAUL puis HENRI )
Bonjour mon général, monsieur... Vous désirez?

PAUL ( solennel )
Une bouteille de champagne.

SERVEUR
Bien messieurs!

Le SERVEUR part. PAUL regarde ses livres, puis regarde HENRI. Il se racle la gorge, ce qui attire plus l'attention d'HENRI, ils se regardent intensément. PAUL sourit enfin et désigne l'arrière salle.

PAUL ( motivé )
Les jetons sont pour des jeux dans l'arrière salle. Tu veux y aller?

HENRI ( souriant )
Pourquoi pas?

PAUL prend les jetons et les partage. HENRI prend sa part.



PAUL et HENRI sont dans l'arrière salle. Il y a des baby-foots, des jeux d'ordinateurs, des flippers et des machines à sous. D'autres joueurs sont présents. HENRI se frotte les mains et a l'air enchanté.

PAUL
On commence par quoi?

HENRI
Les machines à sous, non?

PAUL ( riant )
Toujours aussi obsédé par l'argent!

PAUL se dirige vers les flippers.

HENRI
Je te rejoins dans un instant.

HENRI se dirige vers une machine à sous et y introduit un jeton. Tous les flippers sont occupés et PAUL le rejoint finalement. HENRI perd au jeu et il recommence.

PAUL
Tu veux utiliser tous tes jetons pour ce jeu?

HENRI reste silencieux un moment.

HENRI
Non...

HENRI perd à nouveau et se tourne vers PAUL.

HENRI
Et si on allait boire un peu de champagne?

HENRI se dirige vers la salle du bar et PAUL le suit. La bouteille se trouve sur la table dans un bac à glaçons. LE SERVEUR, en les voyant revenir, arrive à leur table pour les servir.

SERVEUR
Messieurs, je vous sers?

HENRI
Oui, volontiers!

PAUL reste debout et HENRI qui s'assoit. LE SERVEUR débouche la bouteille et les sert.

PAUL
Je vais voir si une table de billard s'est libérée… Tu amèneras les verres...

PAUL part. LE SERVEUR finit de servir.

HENRI (au serveur)
Merci!

SERVEUR (mielleux)
A votre service, monsieur...

LE SERVEUR déplace un peu les livres pour placer une assiette de chips à côté et part. HENRI le remarque, prend les livres et regarde leurs titres. Il s'étonne d'abord et puis semble satisfait. HENRI retourne dans l'arrière-salle avec les verres.

PAUL est adossé à une table de billard libre et attend HENRI. HENRI s'approche en souriant et lui tend un verre. PAUL le prend et HENRI désigne les boules.

HENRI
Tu commences?

PAUL
D'accord.

PAUL tend son verre vers HENRI pour trinquer.

PAUL
Longue vie et gloire à Le Payedeur!

HENRI
Et au Nifisme!

Ils boivent un peu et posent leurs verres sur le bord de la table de billard. PAUL va chercher deux cannes, en donne une à HENRI et commence une partie. PAUL est très attentif. Ils continueront à jouer et à boire durant la discussion suivante.

HENRI
J'ai regardé les titres des livres sur la table de l'autre côté... Çà me rappelle les livres qu'on bûchait pour préparer nos bizutages...

PAUL (curieux)
Tu t'en rappelles?

HENRI
Ah oui, je m'en rappelle... de ces occasions... de s'affirmer et de savoir... avec qui... on avait intérêt à s'associer...

PAUL (rêveur)
Un rite initiatique en quelques sorte..., douloureux..., mais il me plaisait quand même!... Idéal pour prouver ce que je valais...

HENRI
Moi..., comment dire?... Je me rappelle que je me tirais d'affaire... en m'adaptant à ce qu'on m'imposait,...en trompant ma raison. En fait, plus je souffrais, plus je m'obstinais à faire ce qu'il fallait... comme si mon salut en dépendait... Il me suffisait tout simplement d'y croire et de m'en convaincre.

PAUL
Le plus terrible, c'était leur torture psychologique. La plupart craquait. Tu te rappelles de Charles qui s'était pendu?

HENRI
Moi, j'ai bien failli l'imiter d'ailleurs quand ils m'ont forcé à rester éveillé plusieurs jours de suite... Au moins, c'était un bon moyen de sélection... Pas de place pour les glandeurs! J'avoue qu'ensuite çà m'a plût de le faire subir à mon tour aux cadets...

PAUL (souriant)
On s'est bien défoulé... Tu te rappelles... des soirées que l'on passait ensemble à chercher... des moyens toujours plus subtils pour éliminer le plus grand nombre de lavettes?

HENRI (riant)
Je m'en rappelle, oui... et j'aimais vraiment çà!... Et si tu savais le plaisir que j'avais... quand ils obéissaient à nos ordres les plus saugrenus... à nos aspirations... les plus démentes.

PAUL se met à sourire en l'écoutant et semble de plus en plus satisfait.

PAUL
Tu m'attends, je vais aller remplir les verres. J'en profiterai pour payer… Je reviens...

PAUL prend les verres. Il part ensuite dans le bar, pose les verres sur leur table et s'approche du comptoir. LE SERVEUR prend un appareil lecteur de rétine, tape sur des touches et le place devant l'œil de PAUL. Pendant ce temps là, PAUL, sort son portable et fait signe au serveur de se taire un instant. Il avait prévu de faire venir un ENFANT cahichon vendre des fleurs dans le restaurant le Pariosse. Or, c'est strictement interdit. Ce sera l'occasion pour PAUL d'observer le comportement d'HENRI face à cette situation.

PAUL
Allô?

PAUL
Vous pouvez m'envoyez le gamin à dix neuf heures trente?

PAUL
Oui, là-bas…

PAUL
Parfait! Merci!

PAUL
Au revoir!

PAUL appelle VALERIE.

PAUL
Valérie?

PAUL
Le vendeur cahichon viendra à dix-neuf heures trente demain!

PAUL
Oui.

PAUL
Oui, oui! Là-bas…

PAUL
Bon, il faudra que tu t'éclipses cinq minutes avant, d'accord? Je ne veux pas que tu le gênes dans sa démarche.

PAUL
C'est bien, je compte sur toi… Allez, au revoir.

PAUL raccroche.

SERVEUR
Merci, monsieur le préfet!

PAUL ne répond pas au serveur, prend la bouteille et les verres et retourne dans l'arrière-salle. HENRI était en train de jouer aux machines à sous en attendant et n'a rien entendu de la conversation téléphonique. Ils retournent vers la table de billard, boivent et reprennent leur partie.

HENRI
Et comment vont les choses en Cahichona, maintenant?

PAUL (enthousiaste et souriant)
Mieux, ma foi! Je m'applique beaucoup... La purification continue mais j'ai ralenti la cadence à Mona. Les indigènes ont une certaine utilité… C'est bon de pouvoir se comparer à eux pour se rendre compte de la valeur nifiste… J'ai arrêté les méthodes d'exterminations massives... Il sont devenus plus... précieux..., enfin il s'agit... de prendre le temps de réfléchir au meilleur moyen d'en profiter...

HENRI (heureux et rêveur)
Ah... Et le village où j'ai été blessé. Qu'est-ce qu'il est devenu?

PAUL
La terre était plutôt pauvre, là-bas… Alors on en a fait un ghetto cahichon... Çà leur suffit largement...

Il y a un silence

PAUL (songeur)
Tu sais, Henri... Je m'ennuyais... et c'est pour çà que j'ai voulu qu'on se retrouve. J'avais envie de t'avoir à mes côtés pour réaliser mes projets.

HENRI
Et qu'est-ce que tu veux qu'on réalise ensemble?

PAUL (convaincu et évasif)
Je veux qu'on s'enrichisse... et on va s'en donner à cœur joie! Fais moi confiance! Tout est à faire. On a carte blanche, puisque çà suit l'idéal nifiste de notre patrie!... Il suffira d'utiliser... euh… de profiter des différents statuts humains, de leurs désirs ou de leurs destins...

PAUL se tait un moment. Ils se regardent. HENRI semble réfléchir et fait un faux mouvement avec la canne. Il s'arrête de jouer un instant et semble se motiver pour le projet.

Deuxième partie

EXT. VILLE. MATIN

En Patochie, SOPHIE se promène avec sa meilleure amie ALINE dans des rues vers chez elle. Elle pleure un peu.

ALINE
Tu n'as toujours pas de nouvelles?

SOPHIE
Non et je n'en peux plus... Nous ne sommes plus sur le même longueur d'onde. Moi, je l'aurais déjà appelé depuis longtemps...

ALINE
Ecoute, moi, je te conseille de ne rien faire et d'attendre qu'il revienne vers toi...

SOPHIE
Avec lui, vaut mieux pas...

Il y a un silence.

ALINE
Pourquoi?

Sophie soupire.

SOPHIE
Quand Henri est ailleurs il s'adapte à son nouveau milieu. Çà le rassure... Et il ne pense plus au reste...

ALINE (choquée)
Et tu veux épouser un type pareil... Tu ne peux même pas lui faire confiance!

SOPHIE
Il faut seulement que je reste le plus longtemps possible en contact avec lui et que j'aille le rejoindre avant qu'il ne soit trop tard...

ALINE
T'es sûre qu'il veut que tu le rejoignes? Il ne t'a même pas appelé.

SOPHIE
Non, mais je vais quand même le faire!

ALINE (déçue)
Alors, tu vas partir... Bon, c'est toi qui voit après tout...

SOPHIE lui prend le bras pour la consoler.

SOPHIE
Je suis désolée, Aline! Rien ne nous empêche de nous revoir, tu sais!

Elles arrivent au pied de l'immeuble où habite SOPHIE et se font la bise.

ALINE
Je passerai te voir, ce soir... Si çà se passe mal au téléphone, n'hésite pas à m'appeler et je passerais plus tôt...

SOPHIE pousse le porte d'entrée de l'immeuble et entre tandis qu'ALINE part.

INT. RESTAURANT. SOIR

Il est dix neuf heures passées. Il y a dans un restaurant chic de Mona quelques hauts OFFICIERS aux cheveux longs aux yeux bleus et des deux sexes. Il y a quelques autres PERSONNES habillées en civil qui sont des HOMMES et des FEMMES d'AFFAIRES. La plupart d'entre eux ont de longs cheveux. Il n'y a jamais plus d'un individu rasé à une table. PAUL et HENRI entrent et VALERIE n'est pas encore là. Un SERVEUR rasé s'approche d'eux.

SERVEUR (à PAUL, mielleux et courtois)
Monsieur le préfet... Veuillez me suivre, je vais vous indiquer votre table.

Ils s'assoient à une table recouverte d'une nappe blanche. LE SERVEUR regarde furtivement les cheveux d'HENRI avant de repartir.

SERVEUR
Désirez vous un apéritif, messieurs?

PAUL (à HENRI, souriant)
Nous allons l'attendre, d'accord?

HENRI (acquiesçant)
Bien entendu!

PAUL (au SERVEUR)
Nous attendons quelqu'un…

SERVEUR
Entendu, messieurs! A plus tard!

Le SERVEUR part et VALERIE entre. Elle a toujours les cheveux détachés, très légèrement désordonnés. Elle s'assied et leur sourit.

VALERIE
Je suis désolée, j'espère que je ne vous ai pas trop fait attendre…

PAUL
Pas du tout! Nous venons juste d'arriver...

VALERIE
Je meurs de faim, pas vous?


INT. SALON. SOIR

Au même moment, SOPHIE est allongée sur le canapé dans son salon. Le portable se trouve posé sur une table basse à côté. Comme la pièce est très sombre, on distingue à peine ses traits. Ses yeux sont ouverts et elle semble réfléchir. Soudain la porte d'entrée s'ouvre et ALINE entre dans l'appartement. Elle s'approche doucement de son amie qui la regarde arriver, puis elles se sourient.

ALINE
Quoi de neuf?

SOPHIE
Rien!

Il y a un silence.

ALINE
Comment çà?

SOPHIE
Je ne l'ai pas encore contacté...

ALINE
Mais pourquoi?… Tu es restée ici à te morfondre tout l'après-midi? Si tu n'as pas vraiment envie laisse tomber…


SOPHIE
J'ai appréhendé sa réaction... Non, je vais l'appeler!... De toute façon, je n'ai rien à perdre avec lui...

ALINE
Si tu veux le contacter et tirer les choses au clair..., alors fais le vite!

SOPHIE
J'ai tellement peur de l'avoir au bout du fil et de l'entendre me dire que je ferais mieux de rester ici.

ALINE
Il ne faut pas te laisser aller comme çà! Soit rapide, çà t'évitera de te poser trop de questions...

ALINE prend le portable et s'assoit sur le canapé près de SOPHIE.

ALINE (malgré elle)
Puisque tu le veux tant… Donne moi son numéro…

SOPHIE
C'est la touche marron à droite...

ALINE appuie sur la touche.

ALINE
Et c'est parti...

ALINE écoute les deux premières sonneries du portable en l'approchant de son oreille.

ALINE
Çà sonne! Je peux mettre le haut-parleur?

SOPHIE
Si tu veux… Je n'ai rien à te cacher...

ALINE appuie sur une autre touche.

INT. RESTAURANT. SOIR

Le SERVEUR revient vers PAUL, HENRI et VALERIE avec trois cartes et les leur tend.

SERVEUR
Désirez-vous prendre un apéritif, messieurs dames?

PAUL et HENRI se regarde et ne semble pas intéressés.

HENRI (à VALERIE)
Tu veux peut-être prendre quelque chose? Nous, on vient juste de sortir d'un bar.

VALERIE (au SERVEUR)
Je prendrais un bock fraise, s'il vous plaît!… Est-ce qu'on peut commander le reste tout de suite?


SERVEUR (souriant)
Mais bien-sûr!

VALERIE (lisant la carte)
Je commencerais volontiers par une salade niçoise... Et ensuite, je prendrais une crèpe périgourdine…

PAUL (à HENRI)
Et toi, Henri?

HENRI (hésitant)
…Je vais prendre la même chose! Çà sera plus simple…

PAUL (à HENRI puis au SERVEUR, sûr de lui)
Tout à fait… Moi aussi, alors!

SERVEUR
Bien, messieurs dames! Et que désirez vous boire?

HENRI
Il vous reste du Saint Emilion?

SERVEUR
Mais bien entendu…

HENRI
Alors çà sera parfait, merci!

Le SERVEUR part.

VALERIE commence à boire un peu puis regarde PAUL qui lui fait un clin d'œil entendu. C'est le moment qu'elle parte parce que le VENDEUR de fleurs doit arriver dans les cinq minutes.

VALERIE (à PAUL et à HENRI)
Veuillez m'excuser! J'en ai pour un instant!

Elle se lève et se dirige vers les toilettes.

PAUL (riant)
Si la dernière fois qu'elle s'est éclipsée, elle est revenue les cheveux détachés..., je n'ose à peine imaginer ce à quoi on aura le droit tout à l'heure!

Ils éclatent de rire. PAUL regarde l'horloge du restaurant. Il est dix neuf heures vingt sept. Soudain le portable d'HENRI se met à sonner. PAUL semble embêté par ce coup de fil qui vient gêner ses projets.

HENRI
Allô?

Sophie ne lui répond pas.

HENRI
Allô?!



INT. SALON. SOIR

Dans le salon de SOPHIE à Pariosse, ALINE tend enfin le portable à VALERIE qui s'émeut.

TELEPHONE (voix d'HENRI)
Allô? Qui est à l'appareil?

VALERIE écoute sa voix sans rien dire, s'émeut davantage et entrouvre les lèvres. Il y a un court silence.

INT. RESTAURANT. SOIR

PAUL, un peu inquiet, regarde HENRI puis l'horloge du restaurant. Il est dix neuf heures vingt huit.

HENRI (à PAUL)
Paul, je dois sortir! Il y a une mauvaise réception, ici…

PAUL
Oui, mais essaie d'être rapide!

HENRI part. PAUL le suit des yeux. Il semble insatisfait.

EXT. RUE. SOIR

HENRI est devant le restaurant à l'extérieur.

HENRI (murmurant)
Sophie, c'est toi?

INT. SALON. SOIR

On est à nouveau chez SOPHIE.

SOPHIE
Oui, Henri!

TELEPHONE (voix d'HENRI, gêné)
Ah… Comment vas-tu?

SOPHIE
Tout va très bien… Et toi, que deviens-tu en Cahichona?… Tu t'y plais?

TELEPHONE (voix d'HENRI, enthousiaste)
Oui, c'est bien! Tout est très différent ici, tu sais. J'ai beaucoup de travail et peu de temps pour moi. Je m'entends bien avec Paul…

SOPHIE regarde ALINE d'un air inquiet.

SOPHIE (à HENRI)
Ah… Que souhaiter de mieux?

TELEPHONE (voix d'HENRI)
Je sens que le projet que Paul m'avait proposé valait le coup que je me déplace.

SOPHIE
Quelles sont ses intentions?

TELEPHONE (voix d'HENRI)
J'ai une vague idée… Je pense qu'il m'en dira plus prochainement…

SOPHIE
Tu n'es toujours pas au courant?…

TELEPHONE (voix d'HENRI)
Non…

SOPHIE
Et tu es heureux?

TELEPHONE (voix d'HENRI)
Ma foi, oui!… J'ai l'impression que je vais enfin donner un sens à ma vie…

SOPHIE (déçue)
Je suis heureuse pour toi…

INT. SALON. JOUR

SOPHIE fait un signe à ALINE pour lui faire comprendre qu'elle a l'impression qu'HENRI ne s'intéresse plus vraiment à elle. ALINE prend rapidement le portable et bouche l'écouteur avec sa main.

ALINE (rapidement)
Rends le jaloux!

ALINE rend le portable à SOPHIE.

TELEPHONE (voix d'HENRI)
Çà me fait plaisir que tu m'ais appelé…

SOPHIE
…J'aurais préféré que tu prennes l'initiative, Henri! Mais si je t'ais appelé, c'est que j'ai une bonne raison… Je ne peux pas venir en Cahichona, je suis désolée… Çà me soulage de savoir que tu te sens bien là-bas… Je pense que nos chemins se sont séparés à partir du moment où tu as décidé de partir! Nous n'avons plus les mêmes objectifs au fond… Tout cela pour te dire que j'ai rencontré quelqu'un…

TELEPHONE (voix d'HENRI)
Hein? En si peu de temps?

SOPHIE (légèrement agacée)
Qu'est-ce que çà peut bien te faire? Il ne t'a pas fallu bien longtemps à toi non plus pour me déclarer ta flamme. T'en rappelles-tu?

TELEPHONE (voix d'HENRI)
Qui est-ce?

ALINE fait un signe d'approbation à SOPHIE. Elles se sourient.

SOPHIE
Je ne t'en dirai pas plus…


TELEPHONE (voix d'HENRI, sérieux et jaloux)
A quoi tu joues, Sophie?

SOPHIE (exaspérée)
Mais je ne joue pas. J'essaie de refaire ma vie et je te tiens informé, c'est tout… C'est la moindre des choses, non?

TELEPHONE (voix d'HENRI)
Et tu l'aimes assez pour décider de me quitter?

SOPHIE (ironique)
Henri, mais c'est toi qui m'a quitté et c'est toi qui n'as pas voulu attendre! Tu veux faire ta vie ailleurs et tu me dis que tu es heureux! Tant mieux pour toi, mon cher! J'ai aussi le droit d'être heureuse, tu ne crois pas?… Allez souhaite moi bonne chance…

HENRI lui raccroche au nez. SOPHIE regarde son portable, puis ALINE lui sourit.

ALINE
Il t'a raccroché au nez? A mon avis, c'est bon signe… Il va peut-être se remuer maintenant…

SOPHIE (inquiète)
Je l'espère de tout mon cœur!


INT. RESTAURANT. SOIR

HENRI est en train de se rasseoir à la table. Il essaie de cacher son embarras, mais n'y parvient pas. PAUL l'observe et semble soulagé. Il est dix neuf heures trente.

PAUL
Çà va? Tu as un problème?

HENRI
Une femme… Mais çà va s'arranger…

PAUL
Ah…

C'est alors qu'un jeune VENDEUR, rasé, maigre et très mal habillé, portant un énorme bouquet de roses rouges, entre dans le restaurant. PAUL le voit, regarde l'horloge et sourit. Le GARÇON est à l'heure. Il passe de table en table. Il s'approche d'une table.

VENDEUR (doucement)
Voulez-vous des roses? Elles ne sont pas chères.

Les GENS auxquels il s'adresse ne le regardent pas ou semblent choqués et continuent leur discussion comme si de rien n'était. PAUL regarde HENRI qui s'amuse à dévisser et à revisser la salière. Il se racle la gorge pour attirer son attention. Et, au moment où HENRI tourne les yeux vers lui, PAUL se met à regarder dans la direction du VENDEUR. HENRI se retourne pour voir ce qui se passe.

HENRI (au VENDEUR, interloqué et furieux)
Hé toi, là-bas! T'es suicidaire ou quoi? Qu'est-ce que tu fous ici avec une tête pareille? Tu ne sais pas qui on est?

HENRI, hors de lui, se lève et s'approche très près du GARÇON et le regarde du haut de sa grande taille avec un air méprisant. Le GARÇON baisse les yeux, recule et s'éloigne.

HENRI
C'est çà, mon petit Lilliputien! Fous moi le camp!

HENRI lui fait signe de partir d'un air méprisant et dégoûté. Le VENDEUR s'en va. Une FEMME de ménage arrive et nettoie le sol où a marché le VENDEUR pour le désinfecter. Elle vaporise aussi un aérosol dans l'air. PAUL semble très satisfait du comportement toujours parfaitement raciste de son ami. VALERIE, souriante, revient des toilettes et semble surprise de voir HENRI debout. Il la regarde s'approcher et lui sourit machinalement.

VALERIE (à HENRI)
…Je suis désolée, j'étais un peu longue, je sais! Vous vous inquiétiez?… Il a fallu que je nettoie un peu parce que j'ai trouvé des traces de chaussures sur la lunette des WC. C'est vraiment dingue!

Ils rient.

VALERIE (à HENRI)
Je vais finir par devenir paranoïaque.

PAUL, satisfait, les regarde d'un air amusé. HENRI sourit à VALERIE et lui prend le bras.

HENRI (à VALERIE)
Je vous attendais. Allons nous rasseoir!

PAUL les regarde se rasseoir.

PAUL
Henri, j'ai fait rechercher tous les appartements qui sont libres sur la ville. Valérie te les montrera, c'est elle qui s'en est occupée. Vous pourriez y aller demain…

HENRI et SOPHIE se sourient.

PAUL (enthousiaste)
Une fois que çà sera réglé, hum... Il sera temps de parler… de mes idées, de mes projets… Enfin, tu sais...

Le SERVEUR arrive avec les plats. Tout le monde sourit.

INT. ASCENSEUR. LUMIERE ELECTRIQUE

Le lendemain après-midi, HENRI et VALERIE qui sont en train de visiter les appartements, se trouvent seuls à l'intérieur dans un ascenseur.

HENRI
Dîtes moi... Çà fait longtemps que vous connaissez Paul?

VALERIE (souriante)
Tu peux me tutoyer, tu sais! Nous sommes des frères et soeurs de sang, comme on dit ici…

HENRI
Entendu... Je sais que Paul est préfet, mais quel est son véritable rôle et quelles sont vos relations?

VALERIE (amusée)
Alors on est curieux, comme çà?

VALERIE (sérieuse)
Çà fait longtemps qu'il se préparait à son rôle de préfet. Quant moi, je suis sous ses ordres… Il se soumet excellemment à la doctrine nifiste.

INT. APPARTEMENT. JOUR

HENRI et VALERIE entrent dans un appartement vide et blanc. Derrière la porte d'entrée est accroché un formulaire. VALERIE le prend.

VALERIE
Alors, voici le premier appartement. C'est le mieux situé…, le plus grand et le plus neuf. Personnellement, je te le conseille. Visite le et dis moi ce que tu en penses.

HENRI visite l'appartement qui a de nombreuses pièces.

HENRI
Çà a l'air un peu grand pour moi, non?

VALERIE (rougissante et souriante)
Pour l'instant, certes… Mais tu rempliras sûrement vite tout cet espace. La politique de natalité est de plus en plus exigeante à l'étranger… On doit repeupler!

HENRI
Oh là, mais j'ai le temps de voir venir…! Tu devrais plutôt m'en montrer un qui soit plus petit…

INT. APPARTEMENT. JOUR

HENRI et VALERIE se trouvent dans un autre appartement. Il n'a que deux pièces. HENRI le visite.

HENRI
Je ne vais pas te faire perdre davantage de temps… Je vais prendre celui-là!

VALERIE est contente et va chercher le formulaire qui se trouve accroché derrière la porte d'entrée. ll tend le formulaire et un stylo à HENRI.

VALERIE
Tiens! Voilà, un formulaire que tu dois remplir… L'équipe d'aménagement meublera l'appartement selon tes goûts dès que tu te seras décidé.

HENRI lit le formulaire et réfléchit.

HENRI (à lui-même)
Mes couleurs favorites?... Le bleu et le blanc… Style du mobilier...? Hum... Moderne… Ok, j'ai compris.

HENRI se tait et continue de remplir le formulaire tandis que VALERIE sort son portable.

VALERIE
Allô?...

VALERIE
Oui, bonjour! Euh, c'est Mademoiselle Dubois à l'appareil.
VALERIE
Bon alors, monsieur Lafont a choisi son appartement. C'est celui au quatorze rue du général Pétain...

VALERIE
Oui, oui! Il l'a rempli...

VALERIE
Dès dix sept heures, d'accord! Merci beaucoup!... Au revoir.

VALERIE éteint son portable.

HENRI
J'ai fini…

VALERIE
Parfait! Donne le moi, alors!

VALERIE va chercher le questionnaire et le replace derrière la porte d'entrée.

Troisième partie

INT. APPARTEMENT. LUMIERE ELECTRIQUE

C'est la nuit et PAUL et HENRI sont dans le nouvel appartement d'HENRI qui vient juste d'être équipé. Les couleurs dominantes sont le bleu et le banc. Le mobilier est moderne, il y a une large bibliothèque, des tableaux de paysages marins et de nombreuses peintures de femmes avec des couleurs vives. Les deux AMIS sont assis sur un canapé. Devant eux, sur une table basse, se trouve un dossier bleu avec vingtaine de feuilles. Ils boivent un verre d'alcool pour commencer.

PAUL
Alors, tu te plais ici? Comment trouves-tu ton appartement?

HENRI
Ah… Il est vraiment bien… confortable…

PAUL (souriant)
Valérie a été correcte?

HENRI (souriant)
Parfaite.

Il y a un silence.


PAUL
…Elle te plaît, n'est-ce pas ?

HENRI (gêné)
…Mais attends, j'en sais rien… Je ne la connais pas assez. Elle m'attire un peu c'est vrai... Mais euh... enfin, je verrai!... On verra avec le temps...

PAUL (étonné et un peu déçu)
Tu n'épouserais pas une femme comme çà?

HENRI
Pourquoi pas... Mais avant, il faudrait que je sois sûr de l'aimer!

PAUL (énervé et vexé)
Mais enfin, je ne te comprends pas! Je ne vois pas pourquoi tu fais des manières... Tu ne rêves pas de faire ta vie avec ce genre de femme?

HENRI (rassurant et songeur)
Peut-être... Pourquoi pas? Après tout, tu as peut-être raison...

PAUL (un peu calmé et souriant)
Mais oui! Tu verras…

HENRI regarde PAUL d'un air suspicieux, étonné et curieux.

PAUL (plus dynamique)
Venons en à mes projets... Tu sais qu'il reste à présent très peu de spécimens de races anifistes… Ils sont devenus précieux parce qu'il faudra eux aussi finir par les exterminer. Alors..., mon idée était de donner aux gens le droit de les tuer comme ils le veulent à condition qu'ils nous paient. Nous deviendrions riches! A présent, toute la population est conditionnée. Les gens n'attendent que çà! … Un parc d'attraction serait l'idéal!… C'est là que tu interviens…

HENRI (réfléchissant)
C'était çà ton projet? Des clients nous payerons pour tuer?

PAUL (souriant)
Exactement! Ils achèteront le droit de savourer les dernières miettes.

HENRI (perplexe puis sérieux)
C'est pas vrai!… Je ne m'attendais vraiment pas à çà! Je ne sais pas quoi dire! C'est grandiose!

PAUL (modeste puis curieux)
…Oh, ce n'est qu'un détail de l'histoire!… Qu'est-ce que tu en penses? Est-ce que çà te paraît réaliste?

HENRI (souriant et motivé)
Certainement!… Attends mais tu as vraiment le droit de t'y prendre comme çà? Le Parti est au courant?

PAUL (satisfait)
En quelque sorte, oui... J'ai carte blanche pour l'extermination… Et puis les ordres ne sont pas d'une extrême précision…Alors, j'ai une certaine marge de manœuvre!

PAUL et HENRI, l'air absorbé et inspiré, se regardent un moment.

HENRI
Si je comprends bien, tu comptes sur moi pour mettre çà sur pied…

PAUL
Oui! C'est pour cela que je t'ai fait venir… Je n'interviendrai pratiquement pas! Je laisse libre cours à ton imagination… Et si tu as besoin de renseignements… ou d'aide, je me tiens à ta disposition, d'accord?

HENRI est comblé et sourit franchement puis il semble réfléchir.

HENRI
Tu parlais d'un parc d'attraction…

PAUL
Oui, je pense que çà serait une bonne idée! Il y en a un pas loin. Il était désaffecté et j'ai envoyé des ouvriers faire quelques vérifications récemment...

EXT. RUE. SOIR

Un jour suivant, VALERIE et HENRI, qui ont l'air joyeux, se promènent bras dessus bras dessous dans une rue de Mona vers le centre ville. Ils ont rendez-vous avec PAUL à la préfecture qui est un beau bâtiment en plein centre. VALERIE s'arrête devant une bijouterie parce qu'elle y avait repéré une belle bague parmi de nombreuses autres.

VALERIE
Regarde, Henri!… A droite, il y en a une qui me plaît énormément…! Tiens, je te laisse deviner laquelle…

HENRI cherche des yeux vers la droite puis semble avoir trouvé.

HENRI
Celle qui a les trois petits rubis?

VALERIE
Oui, c'est celle-là!

HENRI passe sa main dans les cheveux de VALERIE et la regarde en lui souriant.

HENRI
Si jamais on se fiance, c'est la bague que je t'offrirais...

VALERIE sourit.

VALERIE (persuadée)
Nous pouvons nous fiancer!… Finalement, il n'y a pas de raison pour que çà ne marche pas si on pense que nous pouvons nous accorder... De toute manière nous avons les mêmes intérêts...

HENRI la regarde intensément dans les yeux. Il sourit un peu et semble inquiet. Il l'embrasse sur le front. PAUL les rejoint en arrivant par derrière.

PAUL (content)
Vous avez passé une bonne journée?

VALERIE (surprise et ravie)
Excellente!

HENRI
Comment vas-tu mon vieux? On était sur le point de monter te voir…

PAUL
J'ai une course à faire. J'en ai pour cinq minutes! Mais montez… Allez-y! Je vous rejoindrez… Valérie, j'ai laissé des instructions pour qu'on vous laisse passer.

INT. BUREAU. JOUR

HENRI et VALERIE flânent dans le magnifique bureau de PAUL. HENRI est admiratif tandis que VALERIE semble connaître un peu plus les lieux. Soudain, la porte s'ouvre et PAUL entre.

PAUL (à HENRI)
Henri! C'est là que je travaille dorénavant…

Le téléphone sonne. PAUL décroche et tombe sur sa FEMME (MARIANNE).

PAUL
Allô?

PAUL
Bonsoir, ma chérie!

PAUL
Ah, mais je suis avec Henri. Il est dans mon bureau… J'arrive d'ici une heure! Soit patiente!

PAUL
A tout à l'heure!… Non, attends!

PAUL fait un signe rapide à HENRI.

PAUL (à HENRI et VALERIE)
Je vais vous inviter à dîner, ce soir?

HENRI regarde VALERIE et tous les deux acquiescent.

HENRI
...Pourquoi pas?

PAUL reprend le téléphone.

PAUL
Allô Marianne, j'ai invité Henri et une amie ce soir… Tu appelles le traiteur?

INT. MAISON. SOIR

La luxueuse maison de PAUL a deux étages. Au rez-de-chaussée se trouvent le salon et la cuisine. Dans les étages supérieurs, il y a les chambres et des bureaux. Les meubles sont rustiques. MARIANNE, enceinte de plusieurs mois, est dans la cuisine et alors qu'un plat cuit dans le micro-onde. Elle est toujours au téléphone avec son mari.

MARIANNE (surprise et mécontente)
Entendu! J'appelle le traiteur...

MARIANNE arrête le micro-onde.

MARIANNE (déçue)
Tu aurais pu me prévenir plus tôt, non? Enfin, bon…

Elle prend le plat à moitié cuit et le jette dans la poubelle.

MARIANNE
Je commande quelque chose de particulier? De quoi as-tu envie?

MARIANNE
…D'accord! Entendu...

MARIANNE
Est-ce que je fais manger les enfants avant?

MARIANNE
D'accord! A plus tard…

Elle soupire, éteint son portable et sort de la cuisine.

INT. ENTREE. SOIR

MARIANNE se déplace vers l'escalier de la maison et appelle ses FILS qui sont à l'étage.

MARIANNE (fort)
Jean! Jacques!

ENFANTS (fort)
Oui, maman…

JEAN et JACQUES sortent d'une des chambres en courant et se penchent en bas. Ils sont en pyjama.

MARIANNE
Mes chéris, votre père a invité des amis pour manger ce soir!

Ses FILS soupirent.

JEAN (mécontent)
Et?

MARIANNE
Et… je suis désolée mais vous devez manger avec nous...

JEAN
Oh non, encore!

JACQUES
J'en ai marre! Je ne viendrai pas et c'est tout!

MARIANNE
Allez maintenant çà suffit! Vous n'avez pas le choix! Habillez vous vite et je vous laisse choisir le menu! J'appellerai le traiteur dès que vous serrez décidés… Dépêchez vous quand même!… Il y aura deux invités.

MARIANNE retourne vers la cuisine.

EXT. MAISON. SOIR

Plus tard, une camionnette luxueuse de vente de repas à domicile est garée à l'extérieur de la maison. Une équipe de trois SERVEURS (deux garçons et une fille) en sortent et vont sonner à la porte d'entrée. Les deux SERVEURS portent de larges valises noires et la SERVEUSE les suit. MARIANNE, bien habillée, leur ouvre la porte.

MARIANNE
Bonjour! Entrez...

SERVEURS
Bonjour, madame le préfet!

Elle les emmène dans la salle à manger et leur montre une table rustique.

MARIANNE (souriante)
C'est ici, comme d'habitude…

Les deux SERVEURS ouvrent les valises et en sortent six superbes verres en cristal, des serviettes fines et bleues, six ensembles d'assiettes bleues et des couverts en argent. La SERVEUSE dresse la table méticuleusement et rapidement. Pendant ce temps là, les SERVEURS ressortent de la maison. Une fois que la SERVEUSE a terminé, elle reste debout près de la table et sourit.



INT. SALLE A MANGER. SOIR

HENRI, VALERIE, PAUL, MARIANNE, et leurs FILS (bien habillés) se mettent à table. Il y a de la musique d'Hector Berlioz. La SERVEUSE bipe ses collègues pour les prévenir que les gens doivent être servis, puis elle se déplace vers le couloir pour prendre les plats que les SERVEURS lui tendent et les amène seule à la table. Il a de la soupe à l'oignon, du bœuf bourguignon, des fromages et une tarte à la poire.

MARIANNE (à HENRI)
Bonjour, Henri! Comment allez-vous?

FILS (à HENRI)
Bonjour!

HENRI
Bonjour tout le monde!

PAUL (à sa FAMILLE)
Je vous présente Valérie. C'est une amie!

MARIANNE (à VALERIE, affectueuse)
Je suis ravie de vous rencontrer. Voici, nos deux fils Jean et Jacques. Ils ont quinze et dix ans.

VALERIE les saluent cordialement.

PAUL (à ses FILS)
Dîtes moi... Avez-vous passé une bonne journée, mes chéris?

JACQUES (souriant)
On a eu le bizutage aujourd'hui...

JEAN (à JACQUES, riant)
Ouais et on t'en a bien fait baver, hein?

JEAN éclate de rire et tout le monde sourit.

EXT. CASERNE. JOUR.

C'est un flash-back. C'est le bizutage que JEAN et JACQUES ont vécu quelques heures plus tôt dans l'après-midi. Des ENFANTS de sept à dix ans subissent le bizutage de JEUNES qui ont jusqu'à seize ans. Les BIZUTES se trouvent au milieu des BIZUTEURS qui les encerclent en rigolant férocement. JEAN est l'un des bizuteurs. Chaque BIZUTEUR demande aux BIZUTES d'accomplir quelque chose.

PREMIER BIZUTEUR
Allez! Sautez cinq minutes les bras en l'air!

Les BIZUTES sautent. Les BIZUTEURS prennent leur chronomètre et s'esclaffent. Un SECOND BIZUTEUR prend la parole.

SECOND BIZUTEUR (hurlant)
Faîtes une file devant moi et approchez-vous l'un après l'autre!

Un PREMIER BIZUTE s'approche.

SECOND BIZUTEUR
Que penses-tu de toi?

PREMIER BIZUTE
…Ben, je sais pas quoi pas répondre… Qu'est-ce que tu veux que je dise? Euh, je pense que euh…

Le SECOND BIZUTEUR le gifle et l'écarte. Un DEUXIEME BIZUTE s'approche.

SECOND BIZUTEUR
Es-tu un homme?

BIZUTE (sûr de lui et criant)
Non, pas pour l'instant! Mais j'espère bien en devenir un digne! Es-tu satisfait?

SECOND BIZUTEUR (criant et souriant)
Oui, parfaitement je suis satisfait!

Il lui met la main sur l'épaule et le met à ses côtés. JACQUES s'approche à son tour.

TROISIEME BIZUTEUR (à JACQUES)
Toi, le fils à papa, ton but est de finir décoré… avec des jolies médailles, c'est bien çà?

JACQUES (sûr de lui)
Il n'y a pas de hiérarchie entre nous! Nous sommes tous des frères nifistes. Oui, je vais avoir mes médailles… mais parce que je les mériterai!

TROISIEME BIZUTEUR
Tu vas en baver, tu sais? Tu vas souffrir! Et pourtant, tu les veux chacune de tes médailles… coûte que coûte, n'est-ce pas?

JACQUES
Oui, je les veux!

Des BIZUTEURS s'approchent et lui enfoncent des pin's sur le torse. JACQUES crie.

SECOND BIZUTEUR (à JACQUES, fort)
Si tu n'es pas capable de supporter çà, cette souffrance passagère là… Alors à quoi bon? Tu n'auras jamais le courage d'aller jusqu'au bout! Ferme la et souffre en silence!

JACQUES (se maîtrisant)
J'aurai ce courage!

INT. BIBLIOTHEQUE. JOUR

HENRI cherche des livres dans les rayons traitant entre autres choses de l'eugénisme puis il va s'asseoir à une table près d'une fenêtre et les consulte. Il lit un peu et rêvasse. Il prend les feuilles blanches posées sur la table et griffonne des plans d'architecture dessus. Il essaie de trouver des idées et de dessiner des plans pour le parc d'attraction. Il ouvre ensuite un autre livre où il y a des illustrations d'humains avec différentes couleurs de peau et différentes tailles. Soudain, son portable sonne. Il se lève rapidement et se dirige vers les toilettes de la bibliothèque pour ne pas déranger les autres LECTEURS.

INT. TOILETTES. JOUR


HENRI
Allô?

Il y a un silence.

HENRI
Sophie, c'est toi ma chérie?

TELEPHONE (voix de VALERIE, déçue)
…Henri?… Non, c'est moi… C'est Valérie… je… je voulais te dire que… euh… non rien... Çà n'a plus vraiment d'importance!


HENRI (gêné)
Valérie?… Çà va?… Euh, je suis désolé… Qu'est-ce qu'il y a…?

VALERIE raccroche.

EXT. JARDIN PUBLIC. JOUR

HENRI se promène en regardant les fleurs et les COUPLES avec leurs ENFANTS. Il a l'air d'être embarrassé et réfléchit intensément. Il soupire, s'assoit sur un banc et appelle SOPHIE.

EXT. RUE. JOUR

SOPHIE se promène dans une rue commerçante en Patochie. Son portable sonne.

SOPHIE
Allô?

HENRI ne répond pas tout de suite et écoute. SOPHIE sourit parce qu'elle a deviné qu'il s'agissait d'HENRI.

SOPHIE (faisant semblant de plaisanter)
Allô, Antoine?… Je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler avant dix sept heures… Tu n'as vraiment aucune patience et tu ne tiens pas tes promesses!

EXT. JARDIN PUBLIC. JOUR

HENRI fronce les sourcils et semble souffrir.

HENRI (à lui même)
Décidément… Aujourd'hui, c'est le bouquet!

HENRI (à SOPHIE, reprochant)
Non, c'est Henri… Tu te rappelles…?

TELEPHONE (voix de SOPHIE, faisant semblant d'être déçue)
Ah…

HENRI (ému)
Ah?… Tu te moques de moi ou quoi? Antoine…? C'est qui ce type? Je ne peux même pas te faire confiance et après tu viens me parler de mariage…

TELEPHONE (voix de SOPHIE, faisant semblant de soupirer)
Henri… On avait déjà parlé de çà… Pourquoi me rappelles-tu? Tu te fais du mal… On a rompu… Tu te rappelles?

HENRI
Je ne te comprends pas… Je croyais que tu m'aimais…

EXT. RUE. JOUR

SOPHIE semble réfléchir puis hésiter.

SOPHIE (un peu agacée)
Pourquoi m'appelles-tu? Qu'avais-tu à me dire?

TELEPHONE (voix d'HENRI, hésitant)
Comme çà, je n'avais pas de but défini… Je m'ennuyais un peu… de toi… Je voulais avoir des nouvelles…

SOPHIE (agacée et émue)
Pourquoi des nouvelles… Henri?


TELEPHONE (voix d'HENRI, chuchotant)
Parce que je t'aime…!

SOPHIE s'arrête de marcher, elle a les larmes aux yeux et sourit.

SOPHIE (émue)
J'attendais… Je voulais te l'entendre dire… Moi aussi…, moi aussi je t'aime!

TELEPHONE (voix d'HENRI)
Et Antoine…?

SOPHIE (hésitante)
…Euh, il m'aime sincèrement… lui aussi…

TELEPHONE (voix d'HENRI, ému)
Viens, Sophie… Viens me rejoindre et je t'épouserai!

SOPHIE (pleurant de joie)
Oui, Henri… Je viens!

INT. IMMEUBLE. LUMIERE ELECTRIQUE

Quelques semaines plus tard, le soir de leur jour de noce, HENRI porte SOPHIE dans ses bras et monte l'escalier pour l'emmener dans son appartement à Mona. Ravis, ils ne cessent de s'éteindre et de s'embrasser. Une fois sur le palier, il ouvre la porte, l'emmène à l'intérieur et puis l'assoit sur le sofa. SOPHIE, curieuse, regarde autour d'elle.

HENRI
Tu es ici chez toi, ma chérie…

SOPHIE (émue et souriante)
Je t'aime Henri! Merci! Merci…

HENRI regarde SOPHIE avec tendresse. Elle prend son visage entre ses mains et l'embrasse.

INT. CAFE. JOUR

PAUL et VALERIE prennent un café à une terrasse et sont en train de discuter. VALERIE est triste.

PAUL (optimiste)
…Oui, j'aurai besoin de tes connaissances pour faire des sélections d'anifistes dans le parc… Tu sais, je suis vraiment content pour Henri. Le mariage était merveilleux! Çà me fait tout de même plaisir de les savoir si heureux, pas toi…?

VALERIE ne répond pas.

PAUL (compatissant)
Je suis désolé, Valérie…

VALERIE (pleurant)
Mais je l'aime! Je suis tombée amoureuse de lui… Tu savais qu'il aimait déjà quelqu'un quand il est arrivé?

PAUL
Evidemment, non! Je n'en savais rien! Il m'avait juste dit qu'il avait laissé une amie en Patochie… mais je ne pensais pas que c'était aussi sérieux… ni que çà allait durer…

VALERIE
Elle est si laide. Elle ne possède même pas tous les critères supérieurs nifistes… Je ne vois pas ce qu'il lui trouve… Quelle humiliation!


PAUL
Non, Valérie… Sophie n'est pas laide… Elle est seulement différente.

VALERIE
Je suis désespérée… Tu m'as éduquée pour lui… Il était mon objectif… Qu'est-ce que je vais devenir maintenant?

PAUL (compatissant)
Je m'en veux… Je suis désolé!

PAUL semble réfléchir, hésiter puis se décider.

PAUL
Je ne crois pas que tu seras perdante sur toute la ligne… Sophie est rasée… Elle a sûrement dû être stérilisée pendant son enfance… Je n'en suis pas sûr… Il va falloir que je me renseigne… Si c'était le cas, tu pourrais être mère…

VALERIE (surprise et déçue)
Moi? C'est çà que tu me proposes…?

PAUL
Ne vois pas les choses de façon pessimiste... Dis toi que les enfants d'Henri seront aussi les tiens. Tu ne les élèveras pas mais tu seras leur mère. C'est toujours mieux que rien…

VALERIE (hésitante)
Il faudrait que je triche avec l'homme que j'aime…

PAUL
Si Sophie est stérile, elle n'aura des enfants que par insémination artificielle et à son insu. N'importe qu'elle aryenne nifiste ferra l'affaire… Si tu refuses, ce sera la descendance d'une autre femme de ton genre.

VALERIE hésite puis sourit malicieusement .

VALERIE
…alors, pourquoi pas?…

PAUL réfléchit et attend.

PAUL
Il va falloir que tu prenne rendez-vous dans un laboratoire. Tu n'as pas encore l'âge requis mais on s'en passera. On va prélever et congeler quelques uns de tes ovules… Il faudra que tu attende jusqu'à ce qu'on soit sûr que SOPHIE tombe bien enceinte… Après quoi, tu ne pourras pas rester en Cahichona, Valérie… Je ne peux pas prendre le risque que tu parles, tu comprends?

VALERIE (suppliante)
Laisse moi rester… Si je parle, fais moi interner… Je te promets que je ne dirais rien…

PAUL (sec)
Non!

VALERIE (suppliante)
Je pourrais au moins les voir…

PAUL fait non de la tête.

VALERIE
En photos…?


PAUL
Non! Il faudra que tu oublies… Tu referas ta vie ailleurs… Avec le temps, çà passera…

PAUL sourit à VALERIE.

PAUL
Es-tu toujours d'accord?

VALERIE (troublée et très hésitante)
Laisse-moi y réfléchir…

PAUL
Mais bien entendu!

INT. BUREAU. LUMIERE ELECTRIQUE

HENRI est chez lui derrière son bureau et c'est la nuit. Il est en train de finir un croquis d'architecture complexe du parc d'attraction. Il y a des brouillons et des exemplaires accrochés partout autour de lui. On voit son visage penché sur son bureau. Il a l'air passionné et très actif. Puis on le voit de plus loin. C'est alors que SOPHIE arrive en robe de nuit, les cheveux détachés et un peu emmêlés. Elle pose sa main sur son épaule et il se retourne et lui sourit.

SOPHIE
Viens dormir maintenant… Il est tard! J'en ai assez d'être seule... Tu ne me consacres pas assez de temps. Tu passes ton temps à faire des plans comme si il n'y avait que çà au monde... Nous venons de marier, je te signale…

HENRI la regarde silencieusement, la prend dans ses bras et s'étire.

HENRI
Tu as raison ma chérie. J'arrive!

INT. MAISON. APRES-MIDI

L'inscription "Un mois plus tard" apparaît sur l'écran.

C'est la fin de l'après-midi. Dans une maison très pauvre du ghetto, deux femmes MILITAIRES discutent avec les membres d'une FAMILLE. Les PARENTS (environ trente cinq ans) ont une FILLE de seize ans, un FILS de quatorze ans avec des cheveux longs et une FILLE de deux ans. Tous portent des haillons et ont l'air maladif. Les MILITAIRES inspectent la maison.

PREMIERE MILITAIRE (souriante et aimable)
Vu l'état des lieux, le gouvernement nous envoie vous faire un proposition. Un immeuble d'habitation a été construit. Nous avons un studio neuf et meublé à votre disposition.

PERE
Où çà? Dans le ghetto?

La PREMIERE MILITAIRE regarde la SECONDE MILITAIRE.

SECONDE MILITAIRE
Non, le gouvernement a décidé d'en construire d'abord en ville… C'est pour la réinsertion… Nous en construirons ici aussi… mais plus tard… Pour l'instant nous cherchons à proposer les premiers studios aux familles les plus démunies.

MERE
C'est intéressant… Où sera situé le nôtre?

SECONDE MILITAIRE (hésite d'abord)
…Près du centre ville…

MERE (enthousiaste)
Pourra-t-on aller en ville faire des courses ou nous promener?

PREMIERE MILITAIRE
Pas dans un premier temps, non! Cependant nous vous faciliterons les choses… Il n'y a ni loyer, ni aucune facture. La nourriture vous sera évidemment fournie gratuitement.

PERE (suspicieux)
Gratuitement! Pourquoi tant de faveurs?

PREMIERE MILITAIRE (rassurante)
Evidemment, il y a une contre-partie … si cela peut vous rassurer…

Les deux PARENTS acquiescent.

PREMIERE MILITAIRE (convaincante)
Vous devrez travailler! Imaginez cet immeuble tout neuf… Il y aura encore du travail à faire… Du ménage, des réparations… Vous devrez maintenir votre studio propre, vous créer des vêtements…

Les PARENTS sourient.

SECONDE MILITAIRE
Acceptez-vous notre proposition ou désirez vous un temps de réflexion?

PERE
Si nous tardons … nous diminuons nos chances d'avoir ce studio, n'est-ce pas?

PREMIERE MILITAIRE
Effectivement!

PERE (à sa FEMME qui acquiesce)
Alors, nous acceptons!

DEUXIEME MILITAIRE
Bien! Nous allons attendre que vous ayez préparé vos affaires… Nous restons avec vous… Ne prenez que le strict nécessaire!… Quand nous sortirons ne parlez à personne de ce dont nous avons parlé…

PERE
Pourquoi puisque tout le monde va être relogé?

PREMIERE MILITAIRE (rassurante)
…Comme vous êtes les premiers servis, il pourrait y avoir de la jalousie et des actes de violence. Les autres immeubles ne sont pas encore habitables pour l'instant.

Quatrième partie

EXT. PARC D'ATTRACTION. SOIR

Une heure plus tard, il fait juste un peu plus sombre. PAUL, un bandeau placé devant les yeux, et HENRI sont dans une voiture. HENRI est au volant et entre vers la place qui est devant le parc d'attraction.

HENRI (souriant)
Çà y est! On y est! Maintenant que tout est construit, tu vas enfin pouvoir voir le fruit de mon imagination…

PAUL (souriant)
Et aussi un peu de la mienne, ma foi...

HENRI se gare.

HENRI (heureux)
Çà m'a donné beaucoup de satisfaction. Je ne te remercierai jamais assez pour m'avoir offert cette occasion...

PAUL se tourne vers HENRI d'un air amusé.

HENRI (enthousiaste et inspiré)
Créer...!!

PAUL (un peu ironique)
Je sais, l'art est un anti-destin comme tu me disais l'autre jour... J'espère que je serai aussi heureux que toi dans un instant... Alors, je te remercierai à mon tour!

PAUL touche son bandeau.

PAUL
Il est temps, non?

HENRI retire le bandeau de PAUL, qui se frotte ensuite les yeux.

PAUL regarde vers le parc et est envoûté parce qu'il voit.

HENRI
Nous y voilà!

PAUL ne dit rien parce qu'il est trop obnubilé et émerveillé. Il ouvre la portière, sort, puis s'avance vers le parc sans cesser de le regarder. La caméra est face à lui. HENRI, extrêmement souriant et satisfait, le rejoint.

PAUL (s'exclamant)
Mais quelle oeuvre!

EXT. GHETTO. SOIR

Quelques heures plus tard, les MILITAIRES et la FAMILLE sortent de la maison. La MERE tient la main à sa FILLE de deux ans qui presse contre son cœur une petite poupée abîmée. Tous portent des paquets et se déplacent vers une voiture militaire. Il y a quelques BADAUDS inquiets et curieux. Les MILITAIRES sourient à la famille et lui font des clins d'œil.


PREMIERE MILITAIRE (à la FAMILLE, fort)
Alors vous êtes impatient, non?

La MERE lui sourit en retour.

MERE (heureuse)
Oui.

Le PERE sourit aux CAHICHONS qui les regardent. Les MILITAIRES placent les paquets dans le camion et la FAMILLE y monte. Le camion part et les deux MILITAIRES, satisfaites, se jettent un regard complice.

EXT. PARC D'ATTRACTION. SOIR

HENRI et PAUL s'avancent vers l'entrée du parc et se trouvent à une dizaine de mètres du portail.

HENRI
De loin, le parc est d'apparence plutôt banale comme tu peux le constater. Les gens pourront venir en famille s'y amuser… J'ai même pensé à un service spécialisé pour veiller sur eux…

PAUL et HENRI arrivent tout près du portail. Soudain, les marionnettes se met à bouger. PAUL sursaute ce qui amuse HENRI.

MARIONETTE MASCULINE (voix d'ordinateur)
Bienvenue à tous dans le parc d'attraction nifiste de la république nationaliste patochin!

MARIONETTE FEMININE (voix d'ordinateur)
Couleur de peau correcte exigée!

PAUL (aux MARIONNETTES, ironique)
Ne vous inquiétez pas mes chers! J'ai un droit d'entrée!

PAUL et HENRI rient.

INT. PARC D'ATTRACTION. SOIR

Tout en se déplacant vers la roue qui est située un peu plus loin, PAUL et HENRI déambulent à travers des stands. Les lumières des stands sont allumées mais il n'y a ni mouvement, ni sons, ni personnel Ils s'approchent d'un stand de tir où les cibles sont des familles de petites MARIONNETTES de couleur ou handicapées. Le nom du stand est le suivant : "ESPECES EN VOIE D'EXTINCTION". HENRI le désigne.

HENRI
C'est le genre de jeu qui est prévu pour les enfants…

EXT. ROUE. SOIR

PAUL et HENRI se trouvent enfin face à la grande roue.

PAUL (enthousiaste et inspiré)
Quelle belle déesse…!

HENRI (souriant)
Oh oui…! Je compte sur elle pour nous rendre prospères!

HENRI montre du doigt la roue puis le bâtiment de préparation.


HENRI
Les clients qui voudront s'y rendre devront passer dans ce bâtiment d'abord. C'est là qu'ils pourront se préparer… Il y a des salles de détente et de réflexion, euh… une salle d'information, des douches, des déguisements, du maquillage et et toute une panoplie d'instruments… pour tuer…, euh… et torturer bien-sûr… J'ai aussi prévu une équipe qualifiée qui se tiendra à leur disposition.

PAUL (jubilant)
Tu as pensé à tout!

HENRI
…Attends, c'est pas fini! Je ne t'ai pas tout présenté…

HENRI se tourne vers l'hôtel, le désigne, puis fait un geste vers la ville.

HENRI
Là-bas, c'est un hôtel… J'en ferai éventuellement construire d'autres en ville si çà ne suffit pas...

HENRI se dirige vers un paquet de prospectus et en montre un à PAUL. On y voit un grand bus bleu sur lequel il y a l'inscription suivante :

"PARC D'ATTRACTION REPUBLICAIN".
avec spécimens anifistes!

PAUL (admiratif)
Tu as aussi prévu des navettes…

HENRI
Oui, j'ai fait une commande et je devrais en avoir une cinquantaine d'ici deux trois jours… Le secrétariat s'occupera de la publicité. Il ne reste plus qu'à recruter du personnel… Je pense que tout sera prêt d'ici une semaine…

HENRI désigne l'immeuble scientifique dont quelques fenêtres sont allumées.

HENRI
Je te ferai visiter le complexe scientifique plus tard quand tout sera prêt… Euh… On est en train de l'aménager...

INT. IMMEUBLE SCIENTIFIQUE. JOUR

Une semaine plus tard, PAUL et HENRI sont au rez-de-chaussée. Il y a du PERSONNEL scientifique en blouse blanche qui se déplace et qui discute. Les GENS les saluent tandis qu' HENRI et PAUL se déplacent vers l'accueil.

HENRI
Voici donc le complexe scientifique! Les pièces ont été aménagées pour enfermer des spécimens de races inférieures. Au premier étage et au sous-sol, il y a des laboratoires scientifiques et des équipes de recherche.

HENRI montre l'accueil à PAUL.


HENRI
C'est là que seront faîtes les commandes et les opérations financières. Maintenant, je vais te faire visiter les salles de concentration.

Ils se déplacent vers un ascenseur et HENRI appuie sur le bouton pour le deuxième étage.

INT. COULOIR. JOUR

Ils sortent de l'ascenseur. PAUL regarde à travers une vitre teintée. La pièce ne contient que des meubles.

PAUL (étonné)
Les vitres sont teintées de l'intérieur, non?

HENRI
Exactement! Mieux vaut qu'ils ne puissent pas nous voir... Ils ont un comportement plus naturel. C'est important pour les clients! D'ailleurs, les vitres sont aussi insonorisées...

HENRI désigne avec sa main l'ameublement des pièces.

HENRI
J'ai aussi préféré leur donner un minimum de confort…

PAUL continue de regarder à travers la vitre.

PAUL
Oui, je vois çà! Mais je comprends où tu veux en venir… Evite de séparer les familles tant que tu y es. Mieux vaudrait qu'elles soient éliminées en même temps...

HENRI réfléchit un moment.

HENRI
Tu as raison... mais çà risque d'être parfois un peu difficile!

HENRI désigne le fond du couloir et commence à s'avancer.


HENRI
Les pièces du fond sont déjà occupées...

HENRI fait un geste pour désigner les étages supérieurs.

HENRI
...et pratiquement toutes celles du haut. Viens voir!

Ils se dirigent vers le fond du couloir. Derrière la vitre teintée, la pauvre FAMILLE cahichonne, qui avait été emmenée auparavant par les deux femmes MILITAIRES, s'y trouve. TOUS portent des pyjamas blancs. La MERE coupe les cheveux longs et mouillés de son FILS. La FILLE fait la vaisselle. Le PERE regarde par la fenêtre. La petite FILLE place sa poupée dans un petit lit et la cajole. Ils sont naturels et satisfaits. HENRI s'approche de l'ordinateur et l'allume. Soudain des phrases apparaissent. Tout ce que la FAMILLE hongroise dit, est retranscrit en patochin sur l'écran.

HENRI (à PAUL)
Approche! Regarde!

On peut lire sur l'écran les phrases suivantes tandis qu'on voit les PARENTS parler:

GROUPE HONGROIS

élément masculin adulte 38 ans,
élément féminin adulte 35 ans,
éléments féminins enfants 16 et 2 ans,
élément masculin enfant 14 ans.

-élément masculin adulte: …vont-ils faire de nous? Ils ont en pas réellement parlé...
-élément féminin adulte: Tu as peur on dirait... Mais tu les as entendu! Ils veulent nous confier du travail. Nous leurs sommes utiles!
-élément masculin adulte: Tout çà me semble trop beau pour être vrai... Je trouve çà bizarre qu'on soit toujours enfermé...
-élément féminin adulte: Elles nous ont déjà expliqué pourquoi... Tu te plains toujours!... N'est-ce pas merveilleux ici? Regarde tout notre confort. On n'avait pas plus de liberté dans le ghetto...
-élément masculin enfant: Arrêtez tous les deux. Je n'ai pas envie que mes cheveux soient mal coupés et vous ne fa_


HENRI se retourne vers PAUL qui a toujours le visage rivé sur l'écran.

PAUL (à HENRI, admiratif)
C'est une sacrée bonne idée!

HENRI
Oui, çà permet de surveiller leur moral... euh… et de les étudier... Eux, ils sont là depuis la semaine dernière...

HENRI éteint l'ordinateur, se retourne et fait face à la pièce opposée dans laquelle se trouvent quatre
ENFANTS d'âge et de sexe différents, mais qui se ressemblent cependant.

HENRI
Voilà un autre groupe. Ce sont des frères et sœurs... Ils viennent de la Cahichona du sud. Aux étages supérieurs, il y a des anifistes africains, asiatiques et-

Soudain HENRI se tait parce que l'ascenseur qui est au fond du couloir s'ouvre. Un jeune MILITAIRE en sort et s'avance. Il est pressé et inquiet. Il fait le salut militaire.

MILITAIRE (à PAUL)
Mon général!


MILITAIRE (à HENRI)
Mon commandant!…

HENRI
Oui?

MILITAIRE
La cargaison vient d'arriver. Un élément métis a été blessé par un convoyeur.

HENRI (embêté)
Ah bon? Bon, allons voir çà!

Les trois HOMMES se dirigent vers l'ascenseur.

INT. REZ-DE-CHAUSSEE. JOUR

Les portes d'entrée de l'immeuble scientifique sont ouvertes. Un camion garé devant l'immeuble. Des SCIENTIFIQUES en blouse blanche emmènent des HOMMES de couleur noire, endormis, sur des lits roulants vers les ascenseurs. Un SCIENTIFIQUE, pressé, s'approche de PAUL, d'HENRI et du MILITAIRE qui viennent de sortir d'un des ascenseurs. Ils se serrent les mains.

SCIENTIFIQUE
Bonjour, messieurs!

PAUL,HENRI et LE MILITAIRE
Bonjour.

SCIENTIFIQUE (à HENRI)
Ils viennent d'arriver! On va les analyser au sous-sol et vérifier s'ils sont consommables… Apparemment, tout va bien…

Le SCIENTIFIQUE désigne de loin un lit roulant qui a été mis à l'écart. Un CORPS, allongé et recouvert d'un drap maculé de sang, s'y trouve.

SCIENTIFIQUE
…sauf pour l'un d'entre eux... Un convoyeur l'a mutilé pour se défendre.

HENRI (étonné)
Il s'est réveillé…? Qu'est-ce qu'il s'est passé?

SCIENTIFIQUE
On l'avait endormi, mais il s'est réveillé beaucoup plus tôt que prévu et il s'est rebellé.

HENRI (incrédule)
Hein? Avec ce qu'on lui administré?

SCIENTIFIQUE
Tous ne réagissent pas pareils...

HENRI (ironique)
Vous n'allez pas ne faire croire que c'est un sur-homme non plus... Faut pas exagérer!

Tout le monde éclate de rire.

SCIENTIFIQUE
Veuillez m'excuser, messieurs, mais je suis pressé…

HENRI (au SCIENTIFIQUE, souriant)
Mais je vous en prie!

Le SCIENTIFIQUE part vers un ascenseur.

HENRI (au MILITAIRE, souriant)
Vous pouvez disposer, merci!

Le MILITAIRE sort de l'immeuble.

HENRI (à PAUL)
Tu comprends, quand ils sont en mauvais état, on ne peut pas les mettre en vitrine…

HENRI désigne le CORPS mutilé.

HENRI (ironique)
…et quand çà c'est le cas comme avec celui-là, les scientifiques en profitent pour faire des travaux pratiques… Je sais même pas s'il est encore vivant…

PAUL
Je ne savais pas qu'il restait encore autant de noirs en Europe...

HENRI
C'est vrai que j'ai eu du mal à m'en procurer... Mais pour de l'argent, je serais capable de créer l'inexistant… et de trouver l'introuvable! Ce sont probablement les derniers... Je pense qu'il va sûrement falloir les cloner!

PAUL (curieux)
Qu'est-ce que tu as pu dénicher d'autre?

HENRI (riant)
De tout! Même des animaux... Çà peut toujours servir… Les clients sont rois, comme on dit. Je m'attends à tout de leur part… J'ai même prévu des jumeaux, des triplés...

INT. CHAMBRE. MATIN

On voit les pieds d'un vieil HONGROIS qui est assis sur le bord de son lit. Un de ses pieds porte une chaussette et le second est nu. L'ameublement de la chambre est celui d'une famille patochinne moyenne actuelle : avec une télévision, une machine à laver et des meubles simples, pratiques et propres. Il parle en Patochin à sa FEMME qu'on ne voit pas pour l'instant.

VIEILLARD (énervé)
Mais tu répètes toujours la même chose! Dis moi donc ce que tu fais des chaussettes? A chaque fois que tu les laves, il en disparaît!

VIEILLE
Mais je n'en sais rien, enfin! Prends une qui y ressemble au lieu de râler!

VIEILLARD
Je ne râle pas! Je te signale que je n'en trouve pas de pareilles. Tu devrais les jeter quand il n'y a plus la paire!

VIEILLE
Mais on finira peut-être par retrouver l'autre plus tard. Sinon, tu peux la jeter toi-même parce que c'est ta chaussette!

VIEILLARD
Tu es une vraie emmerdeuse! Çà fait des années que je me ballade avec des chaussettes dépareillées!

VIEILLE
Et c'est moi la responsable de tant d'année de malheur, peut-être? Tu ne peux pas résoudre ce problème tout seul? Et est-ce qu'il faut que je le fasse parce que je suis une femme et toi, un homme?
EXT. ROUTE. MIDI

Quelques heures plus tard, un camion militaire qui se dirigeait vers le ghetto est en train de stationner sur le bas côté d'une route car un pneu arrière a crevé. Un jeune MILITAIRE de quinze ans le remplace. Deux femmes MILITAIRES discutent, le regardent en souriant et le taquine un peu. Vers l'avant du camion deux MILITAIRES de trente ans (HERVE et ANDRE) discutent.

HERVE (excité)
Il y en a marre de prendre des gants, c'est frustrant!

ANDRE
Ouais, Hervé! Je sais bien!

ANDRE désigne les autres MILITAIRES.

ANDRE
On n'a qu'à se séparer des autres quand on sera dans le ghetto…

HERVE
Ouais, c'est çà… Je les enverrai faire des contrôles d'identité.

ANDRE
Ils ne vont pas forcément être d'accord à cause des instructions…

HERVE
Ne t'inquiète pas! Je sais comment faire…

EXT. GHETTO. MIDI

Le camion entre sur la place du ghetto et se gare. Le jeune MILITAIRE est au volant. Les MILITAIRES descendent du camion, saluent et sourient aux HONGROIS à part HERVE et PIERRE qui se jettent un coup d'œil complice. HERVE sort un calpin et lit trois noms de rue.

HERVE (aux MILITAIRES, très convaincant)
Bon voilà… J'ai besoin de trois d'entre vous pour effectuer un contrôle d'identité de la rue Jean Paris, de la rue Le Fène et de la rue de l'ombre brune. Qui veut le faire?

HERVE (aux FEMMES)
Les femmes déjà... parce que je compte sur votre tact...


FEMMES
Oui, mon caporal!

HERVE fait mine d'hésiter entre PIERRE et le JEUNE de quinze ans qui regarde les femmes MILITAIRES en souriant.

HERVE (au JEUNE)
Tu veux y aller?

JEUNE
Pourquoi pas, mon caporal!


HERVE (à PIERRE)
Bon toi, tu restes avec moi. Il y a les vieux à aller chercher.

HERVE (aux TROIS)
Veuillez vérifier vos appareils.

Ce sont des appareils lecteurs de rétine qui ont un petit écran sur lequel s'affiche des renseignements sur l'identité de la personne analysée. Les TROIS prennent leurs appareils et se les essaient mutuellement pour vérifier leur état de marche. Le JEUNE essaie le sien sur l'une des femmes MILITAIRES. On voit l'écran de son appareil et on peut y lire :


IDENTITE
nom Dupré
prénom Nathalie
âge 21
adresse 16 rue de Vichy, Mona, Cahichona
profession militaire (2ème classe)
signe particulier néant


HERVE (à ANDRE)
André, va leur chercher des plans du ghetto.

ANDRE retourne dans le camion. HERVE déchire la feuille de son calpin et la leur donne.

HERVE (aux TROIS, sûr de lui)
Vous nous attendrez dans vos rues… On vous récupérera!

ANDRE revient avec les plans et les leur donne. Les TROIS déplient les plans et les consultent.

EXT. ROUE. APRES-MIDI

Un CLIENT se trouve au pied de la roue devant sa cabine et attend qu'elle s'arrête complètement. Deux MILITAIRES sortent de la cabine arrêtée et laissent la porte ouverte derrière eux.

UN MILITAIRE (au CLIENT)
Monsieur, votre nacelle est prête!

LE CLIENT se fait craquer les doigts d'impatience et sourit.

CLIENT
Merci, messieurs! J'y vais.

LE CLIENT entre dans sa cabine.

INT. MAISON. APRES-MIDI

On est dans la maison du vieux COUPLE d'Hongrois précédent. Soudain, HERVE et ANDRE frappent normalement à la porte d'entrée. LA VIEILLE s'avance rapidement vers la porte et l'entrouvre. Quand elle s'aperçoit de qui il s'agit, elle essaie de refermer la porte mais HERVE et ANDRE entrent brutalement.

VIEILLE (choquée)
Oh, mon Dieu! Non! Sortez!

HERVE et ANDRE saisissent à deux le VIEILLARD et le traîne vers la porte d'entrée en le brutalisant. Le VIEUX résiste et se débat. La VIEILLE se jette sur HERVE et ANDRE pour les frapper.

VIEILLE
Sortez d'ici, salauds! Laissez le, laissez le…, vous dis-je!

HERVE et ANDRE rient et poussent la VIEILLE en arrière par les épaules. Elle tombe puis commence à partir à quatre pattes vers une autre pièce.

ANDRE (à la VIEILLE)
T'inquiète pas, tu vas bientôt le rejoindre!

VIEILLARD
Laissez moi, sortez d'ici! Vous n'avez pas honte? Qu'est-ce que vous voulez?

HERVE (aux VIEUX)
Ferme ta gueule et dépêche toi!

VIEILLARD (à sa FEMME, fort)
Claire! Je t'aime!... Adieu!... On se reverra au paradis!

ANDRE (au VIEUX, sifflant)
Au paradis!

VIEILLE
Je t'aime, moi aussi!

La VIEILLE sort de la pièce.

ANDRE (au VIEUX, hurlant)
Mais on va d'abord te faire goûter aux plaisirs de l'enfer!

ANDRE reprend le VIEILLARD et continue à le brutaliser tout en le traînant vers la porte d'entrée. Le VIEILLARD se défend. Finalement, HERVE sort une petite seringue et lui fait une injection qui l'endort.

HERVE (à ANDRE)
Ni vu, ni connu!

ANDRE
Et la vieille?

HERVE (ironique)
Viens, on va lui faire des misères…

INT. CABINE. OBSCURITE

LE CLIENT de la scène précédente entre doucement dans la cabine et ferme la porte. Il est dans le noir. Il allume son briquet et le promène devant lui pour y voir plus clair mais n'y parvient pas vraiment. On entend la respiration haletante et les sanglots d'un ENFANT roux hongrois.

CLIENT (riant gentiment)
Où te caches- tu? Allez... Dis à papa où tu es...

LE CLIENT, tenant son briquet vers l'avant, s'accroupit et s'avance sur les genoux. Il déplace son briquet de gauche à droite et cherche toujours l'ENFANT.

CLIENT (plus doux)
Je suis ici pour te sauver mon mignon… Tu ne veux pas me faire un câlin? Allez viens! Dis moi où tu es…, mon petit chéri...

ENFANT (sanglotant)
Ici.

Le CLIENT se tait un instant.

CLIENT (convaincant)
...C'est bien de me parler! Il ne faut pas avoir peur… Ne pleure plus… Allez, approche!

L'ENFANT regarde le CLIENT, n'approche pas et secoue la tête pour lui dire non.

CLIENT (déçu mais doux)
Tu désobéis? Je te fais peur? Pourquoi?

ENFANT (sanglotant et hoquetant)
Je te connais pas!... Je veux partir...! Pourquoi je suis là? Je comprends pas... Pourquoi on m'a mis sous la table...? Tu me fais peur!

LE CLIENT s'excite et semble perdre son self-contrôle.

CLIENT
Moi non plus, je ne comprenais pas pourquoi mon papa me faisait peur! Je devais me cacher… comme toi! Il était sévère mon papa et il me faisait très mal...

L'ENFANT commence à avoir peur et pleure.

CLIENT (s'énervant)
Arrête de pleurer! Tais-toi…! Ferme ta gueule, sale petit con de rouquin! Putain de merde, tu me fais chier! Tu ne sais que chialer pauvre petit gamin de merde! Mais défends toi…, bas toi…, convaincs moi…, parle…!

ENFANT
Je veux partir… Laisse moi!...

Le CLIENT lui saisit les poignets et le tire vers lui.

CLIENT (imitant et ironique)
Je-veux-partir! C'est tout ce que tu es capable de dire?

CLIENT (soudain très froid et calme)
Le pire pour toi c'est que je ne suis pas ton papa et tu n'es pas un Patochin...!

LE CLIENT s'apprête à gifler l'ENFANT. La flamme du briquet s'éteint. On ne voit pas mais on entend l'impact de la main sur la joue. L'ENFANT crie. On entend ensuite les rires nerveux, la respiration folle et les mouvements du CLIENT qui se met à frapper l'ENFANT. Puis il y a un decrescendo sonore.